FICTION A SUIVRE ...

Kaboul ...Thé !

Calais ... Café !

"Un Afghan à Calais"

Le récit

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romans au choix)

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ROMANS AU CHOIX

NOTRE LANGUE EN PROSE

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Kaboul ... Thé ! Calais ... Café !

COMME AU BON VIEUX TEMPS DES FEUILLETONS ...

UGO VALENCE, Agent secret

NOTRE LANGUE EN VERS

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ESILELISE

  • ¤

Esilelise

   

NOUVELLES A LIRE

NOTRE LANGUE EN PROSE

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Le français dans la mouise

  • ¤

De l'Antiquité à nos jours ...

Nouvelles d'hier et de demain, et même ... d'avant-hier et d'après-demain

Une petite ville d'histoireS

La more solitere du vieus moulin

NOTRE LANGUE EN VERS

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JUSTE UN DERNIER VERS ... ET JE FINIS MON CHEMIN

  • ¤

Juste un dernier vers ... et je finis mon chemin

PIED A PIED

 

Le lézard
 
 
Un lézard
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
 
Un lézar
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
 
Un léza
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
                                     
Un léz
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
 
Un lé
mon Dieu
qu’il est laid et hideux
sans sa queue
 
Un l
qui perd la tête
ça n’a

ni queue ni tête

 

S.L.

 

Dis, Monsieur
 
  
 
Dis, Monsieur,
Fais-les rire
 
Dis, Monsieur,
Regarde leur sourire
 
Dis, Monsieur,
Ecoute leurs soupirs
 
Dis, Monsieur,
J’veux pas être sérieux
 
Dis, Monsieur,
Fais-en des élèves heureux
 
Tais-toi, mon âme,
Je suis prof.
 
 
S. L.

 

Oiseau de liberté

Hip ! Hip !

tu sautilles-tilles

Piaf

sur le bord de la gouttière

et tu cries

ton enfant tombé

à peine emplumé

du nid de tiges séchées

et ma main main minotaure

qui l’enserre

 

ne crie pas si fort

 

Piaf

 

c’est pour mieux le regarder

c’est pour mieux l’envier

cet oiseau-enfant

 aux ailes de liberté.

 

 

Je dédie ce poème

à l’oiseau ramassé

à peine

ce poème terminé

 

P

 

Pipi, pipi, pipi,

Popo, popo, popo,

Papa, papa, papa,

Pépé, pépé, pépé,

 

-i-i, -i-i, -i-i,

-o-o, -o-o, -o-o,

-a-a, -a-a, -a-a,

-é-é, -é-é, -é-é ,

 

Sans P la vie serait

A mourir de rire.

 

U

 

Un chameau

Et deux dromadaires,

Ca fait trois bossus !

 

Une ânesse

Et deux baudets

Ca fait trois têtus !

 

Un Petit Poucet

Et ses deux frères

Ca fait trois perdus !

 

Un gros

Et deux replets

Ca fait trois dodus !

 

Une pie

Et deux arondes

Ca fait trois langues bien pendues !

 

Mais un T

Et deux U

Ca ne fait qu’un vieux train : TU-U !

 

       S. L.

 

Fleuve Amour, bonjour

 

Tais-toi, Congo,

T’es pas beau !

 

T’as la Vistule

Qui se coagule

 

Et tu fais Mississipi

dans l’Ienisseï

 

Ton épouse la Garonne

joue l’Amazone

 

Avec le beau Danube

Qui titube

 

Il croit avoir la Moskova

Dans les bras

 

Et l’Escaut

C’est pas le Pô

 

Enlève la chemise

De la Tamise

 

Ah ! ce Rhin

Quel maintien

 

Il caresse sa demoiselle

La Moselle

 

Et perd le Nord

L’Amour est le plus fort

 

          S.  L.         

 

   Bonne lecture !

 

 

 
 


                                                                       
 

 

 

ME JOINDRE
NOUS SOMMES LE
UGO VALENCE, Agent secret - NUITS D'AFRIQUE DU SUD chapitre 2
Nuits
 
 
Stéphane LEFEBVRE
 
 
Nuits d’Afrique du Sud
 
 
CHAPITRE 2
    
 
 

   A l’est, le soleil allumait des lueurs roses dans le ciel nocturne au moment où Ugo avait garé sa voiture devant son hôtel de Pretoria.

 

   La route avait été longue de Johannesburg à Pretoria et la quantité exagérée d’alcool qu’il avait ingurgitée la veille était la première responsable de sa fatigue.

 

   A cette heure, il ronflait comme un ogre, fourbu.

 

   Ugo grogna, sortant de sa torpeur. Il n’avait pas encore recouvré ses esprits. Inlassablement ce qui troublait son sommeil insistait.

 

   Il rugit et se dressa sur son lit. De véritables coups de massue ébranlaient la porte.

 

   S’extirpant à grand regret de la douce chaleur de ses draps, il enfila un pantalon de pyjama. Il s’en alla actionner le mécanisme d’ouverture de la Roubaisienne qui faisait écran à la lumière du jour. Les rayons solaires se ruèrent sur ses yeux et ses paupières fripées se joignirent sous cet éclat trop vif pour sa vue mal habituée encore.

 

   Les appels secouaient toujours le battant de la porte, imperturbables. Ugo s’approcha et s’enquit de l’identité de ses visiteurs inattendus et casse-pieds.

 

   — Police, tonna une voix de l’autre côté.

 

   La police s’en prenait déjà à lui ! Que pouvait-elle bien lui reprocher pour le réveiller d’une manière aussi abrupte ?

 

   Ugo déverrouilla.

 

   Deux paires d’yeux lorgnèrent le client de l’hôtel hirsute et s’introduisirent dans sa chambre sans en attendre l’invitation. Les colosses, en tenue civile, exhibèrent leur carte professionnelle et la poche intérieure de leur veston d’un geste automatique et simultané.

 

   Ugo les examina avec méfiance puis les leur rendit, apparemment satisfait. Ces policiers devaient être des vrais.

 

   Le plus rébarbatif sortit de son mutisme et ordonna avec un calme sournois :

 

   — Vos papiers, votre passeport, s’il vous plaît !

 

   Ugo s’exécuta immédiatement. Il présenta le passeport nouveau que lui avait procuré le Vieux avant son départ de Paris pour Ouagadougou. Donc pas d’indication sur son séjour à Beyrouth.

 

   — Nom, questionna l’autre insidieusement.

 

   — Novan, rétorqua le Français.

 

   — Prénom ?

 

   — Ugo.

 

   — Date et lieu de naissance ?

 

   Valence répondit du tac au tac.

 

   — Profession ?

 

   — Représentant en produits pharmaceutiques.

 

   — C’est bon, grommela le policier.

 

   Ugo récupéra ses papiers.

 

   — Nous permettez-vous de passer votre chambre au peigne fin ?

 

   — De quel droit ? opposa Ugo.

 

   — Soyez raisonnable, monsieur Novan. Nous n’avons pas de mandat de perquisition officiel, mais si vous insistez pour que nous vous présentions ce papier, mon camarade veut bien aller en chercher un sur-le-champ tandis que je vous tiendrai compagnie.

 

   Des fourmillements parcoururent les muscles du Français à la vue du rictus narquois du policier sud-africain. Il se maîtrisa et s’écarta en leur faisant comprendre qu’il renonçait à cette formalité.

 

   Ils retournèrent les parquets, déclouèrent les fauteuils, dévissèrent les poignées et les serrures, vidèrent les tiroirs. L’inspection resta stérile. En effet, rien de compromettant n’était en possession de l’Européen dans sa chambre, et son arme, son 22 Long-Rifle, était dissimulé sous la banquette avant de sa voiture. Pourvu que…

 

   Non ! Les policiers prirent congé après avoir poliment remis la pièce dans l’état où ils l’avaient trouvée.

 

   Leur visite n’avait nullement le caractère d’une coïncidence. Leurs méthodes ressemblaient bougrement à celles des agents du contre-espionnage. Une telle technique de travail n’était pas l’apanage des policiers ordinaires, même en costume civil.

 

   Deux hypothèses expliquaient la visite de la police sud-africaine. La première : les Services de Renseignements de ce pays étaient suffisamment bien organisés pour avoir éventé le motif de la présence de Valence à Pretoria. La seconde : on les avait avertis de sa présence. Mais qui « on » ? Un coup de téléphone anonyme ?

 

**********

 

   Ugo terminait son petit déjeuner au restaurant de l’hôtel. Il s’épongeait le bout des doigts dans une serviette de table en papier.

 

   Un employé en tenue de fonction s’adressa à lui avec une courbette :

 

   — Doit-on monter vos bagages dans votre chambre, monsieur ? Un taxi vient de les déposer.

 

   Il fixa son interlocuteur.

 

   « Mes bagages, pensa-t-il. Je n’ai commandé à personne de me faire apporter mes bagages, d’autant plus qu’ils sont déjà dans ma chambre ! »

 

   Ugo eut une réaction d’étonnement et emboîta le pas au groom qui le conduisit près d’un impressionnant coffre noir. Son nom et l’adresse de l’hôtel étaient mentionnés sur l’étiquette de destination. Et aucun nom d’expéditeur, bien entendu.

 

   Ugo se jeta à corps perdu dans la ronde.

 

   — Montez ceci, acquiesça-t-il.

 

   Il fallut deux employés costauds pour transporter la malle de la réception à la cage d’ascenseur, puis de la cage d’ascenseur à la chambre de son soi-disant propriétaire.

 

      Ugo s’attaqua aux serrures, d’énormes serrures qui ne se décliquèrent qu’avec l’aide d’un pied de chaise.

 

   Il souleva le couvercle et demeura penché au-dessus de la malle, sidéré. Monsieur Starkey, hôte la veille au soir des époux de Coorter, gisait dans le fond, dans la position du fœtus.

 

   La poitrine du Britannique se soulevait et s’abaissait à intervalles réguliers. Il vivait. C’était déjà pas mal ! Plusieurs tentatives pour le réveiller échouèrent, il avait sombré sous l’effet d’une drogue.

 

   La malle présentait un réel confort intérieur, s’il est permis de s’exprimer ainsi. D’un mètre cinquante de long, soixante centimètres de large, autant de haut, elle était bardée de gros clous qui dissimulaient des orifices pour laisser passer l’air, aménagement qui avait préservé l’infortuné occupant de l’étouffement. La tête du drogué reposait sur un appui-tête en forme de casque. Ses membres étaient emprisonnés sur des sortes d’accoudoirs aménagés à diverses hauteurs.

 

   Ugo fit la moue, dubitatif.

 

   On lui avait expédié un colis véritablement encombrant. Il s’enlisait dans des sables mouvants. Comment aurait-il pu expliquer aux policiers sud-africains qui s’étaient présentés à sa porte une heure auparavant la présence d’un homme victime d’une drogue dans une malle du style cercueil aménagé !

 

   Il délivra Starkey des attaches de cuir qui l’immobilisaient et du bâillon qui lui comprimait la bouche, avant de le hisser dans la position assise. La tête de la victime s’affaissa mollement sur sa poitrine.

 

   Ugo lui fit les poches et en extirpa une enveloppe bourrée de fiches, des fiches de renseignements sur la station de repérage de satellites installée par la France à Pretoria. Absolument tous les renseignements y étaient insérés.

 

   Une idée angoissante jaillit à l’esprit du Français. C’était un coup monté. Seul moyen d’expliquer la présence des fiches sur Starkey. S’il les avait possédées personnellement, on les lui aurait enlevées, sinon on les avait glissées dans sa poche.

 

   Ugo réfléchissait. De deux choses l’une : ou il effaçait toute trace du passage du Britannique ici, ou il disparaissait lui-même.

 

 « Sur quoi compte l’adversaire ? Soit renvoyer immédiatement la police me poser des questions auxquelles je serai incapable de répondre, pour me mettre dans une situation inextricable, soit tout simplement me mettre ce type sur le dos. Mais, dans ce cas, ils auraient achevé le travail. Ils l’auraient tué. Veulent-ils que je le supprime moi-même ? C’est difficilement pensable. Je ne vois pas en quoi le crime que je commettrais pourrait leur servir. De plus, je n’ai aucune raison de le commettre. »

 

   Ugo lâcha une bordée de jurons.

 

   « C’est pourtant ce que l’adversaire souhaite : que je perde mon sang-froid avec l’Anglais sur les bras, que j’essaie de me débarrasser de lui pour ensuite tenter d’élucider l’énigme. Ils devinent que je ne vais pas lui régler son compte ici même en y laissant refroidir le cadavre, filant discrètement de l’hôtel, mon forfait accompli, et essayant ensuite de me montrer discret dans mes allées et venues. »

 

   Ugo relut tous les documents puis les déchira en minuscules confetti et alla ensuite les jeter dans la cuvette des W.C. Il tira la chasse d’eau.

 

   Soulevant Starkey hors de son cercueil, il reprit le cours de ses pensées.

 

   « J’estime finalement qu’on veut attirer les ennuis à la fois sur lui et sur moi, en laissant suffisamment de lest pour que les autorités puissent imaginer une confrontation serrée entre nous. Par exemple une tentative d’enlèvement par moi et même un enlèvement réussi. Son exécution ensuite. »

 

    Il eût été trop bête de ne pas se laisser appâter, même si l’hameçon était visible. Ugo mordait volontairement. Il prendrait un départ précipité avec la malle… vide !

 

 Il allongea le Britannique sur le plancher à l’intérieur de l’armoire murale encastrée dans un angle de la chambre et repoussa simplement les battants en omettant intentionnellement de fermer à clef.

 

   Il retapa les serrures de la malle et les boucla.

 

   Dans sa valise, il enfourna hâtivement l’essentiel de ses affaires au cas où il n’aurait plus la possibilité de remettre les pieds dans cet hôtel.

 

   Enfin le Français sonna un domestique qui, après une explication sur le motif de son appel, chercha du renfort.

 

   Deux porteurs transbahutèrent la malle sur le siège arrière de la Plymouth.

 

   Ugo parcourut les rues de Pretoria ceinturées sur les trottoirs par la guirlande de feuillage et les couleurs des flamboyants et des jacarandas. La capitale fédérale paraissait calme jusqu’à l’ennui, la population retranchée derrière les maisons basses de style hollandais colonial.

 

   Il déboucha en pleine campagne.

 

   Et le rallye commença, un rallye-promenade en fait, puisque l’Aston-Martin qui le filait ne manifestait aucune intention belliqueuse. Par pure forme. Ugo exhiba tout de même son 22 Long-Rifle de sous le siège, le plaça en position de fonctionnement et le posa sur le siège vacant à côté de lui.

 

   Il maintenait la même allure tranquille.

 

   L’Aston-Martin idem.

 

   La promenade s’éternisait. Ugo décida de troubler sa monotonie.

 

   Il stoppa sa voiture sur le bas-côté de la route, à la faveur d’un virage, empoigna son revolver et dévala plusieurs mètres de la pente abrupte qui bordait l’asphalte, après s’être éjecté de la Plymouth.

 

   Il remonta puis se plaqua contre les pierres coupantes lorsqu’il entendit le mugissement de l’Aston-Martin qui passait à sa hauteur. Le vrombissement du moteur s’éloigna plus vite que celui d’une voiture qui s’éloigne normalement.

 

   Alerte !

 

   Ugo, surveillant les alentours, attendit dix minutes une attaque qui ne vint pas.

 

   Il sortit la malle d’une main, le revolver dans l’autre, et la poussa du pied. Elle boula dans la descente, prenant de la vitesse, sauta en l’air parmi les buissons et se pulvérisa contre un rocher.

 

   Toujours pas de manifestation intempestive adverse.

 

   Il exécuta un demi-tour sur les chapeaux de roues et reprit la direction de la capitale sud-africaine.

 

   Midi.

 

**********

 

   — Bonjour.

 

   — Bonjour, chéri, murmura-t-elle, câline, en lui présentant la bouche.

 

   Madame de Coorter offrit les boissons.

 

   Les roucoulades remplacèrent un bon moment la conversation réduite au strict minimum. L’obstination de madame de Coorter à connaître l’amour avec ce bel athlète ne se relâchait pas.

 

   — Sandie, et votre mari ? prévint Ugo. Si jamais il rentrait à l’improviste.

 

   — Non… Non, il ne rentre pas avant quatre heures. Il m’a prévenue qu’il avait de nombreux rendez-vous d’affaires avec d’éminents experts en pierres précieuses. A moins qu’il ne cherche d’autres satisfactions ailleurs.

 

   — Un poussah pareil ! rétorqua Ugo.

 

   Sandie tira les rideaux et les joignit convenablement.

 

   Monsieur de Coorter rentra à l’heure prévue.

 

   Il salua Ugo avec une chaleur inhabituelle chez lui et ne fut nullement chagriné de trouver son épouse en tête à tête avec un étranger.

 

    « Novan » ignora l’élan de sympathie du diamantaire. Ils trinquèrent.

 

   — Vous devez vous ennuyer à mourir dans cette ville ! assura le bonhomme courtaud.

 

   — Pas du tout, objecta Ugo. Il y a tant de beautés à découvrir à Johannesburg. Seulement, je me sens fatigué aujourd’hui et j’ai préféré le calme à la promenade. J’ai fait la grasse matinée.

 

   Il mentait effrontément. Il sondait les réactions du diamantaire dont la nervosité se marquait de plus en plus sur les rides qui barraient son front soucieux.

 

   Il consulta discrètement sa montre. Cinq heures.

 

   La sonnerie de l’entrée résonna.

 

   Un domestique asiatique s’avança à pas feutrés sur ses pieds nus et annonça un certain monsieur Roy qui fut invité à entrer par le diamantaire et évita le regard du Français.

 

   Trois Asiatiques en costumes gris clair salis apparurent et se répartirent silencieusement dans le salon. Leurs yeux se rivèrent sur Ugo, torves.

 

   — C’est à monsieur que nous désirons parler, éructa celui qui se tenait au centre de la pièce.

 

   Ugo s’apprêtait à foncer tête baissée mais les pistolets qui apparurent dans leurs mains étouffèrent sa révolte dans l’œuf.

 

   — Que signifie… ? s’étrangla Sandie de Coorter.

 

   Le diamantaire prit son épouse par la taille. Le chef de file leur signifia de la pointe de son arme de débarrasser le terrain.

 

   — Pourquoi ? questionna Ugo.

 

   L’autre ne répliqua pas. Il répéta son geste impérieux à deux reprises.

 

   — Viens, chérie, demanda le diamantaire à sa femme qui ronchonnait malgré la peur des armes qui pointaient vers son amant, j’ai à faire au garage et j’ai besoin de ton aide.

 

   Il l’entraîna.

 

   Les époux de Coorter étaient à peine sortis que Valence se faisait ceinturer par l’un des sbires pendant que le second ouvrait un flacon et imbibait de son contenu un morceau de coton hydrophile. Du chloroforme !

 

   Ugo bomba le torse puis relâcha violemment son souffle, se libérant de l’étau qui compressait sa poitrine. Il porta un uppercut au menton de son agresseur qui pirouetta comme un derviche tourneur et termina sa voltige et se bossant l’occiput dans le bahut hollandais.

 

   L’homme au tampon se précipitait.

 

   Ugo sauta sur le divan et défonça la fenêtre en jetant l’épaule à travers les rideaux. Il se raccrocha au tissu.

 

   — Descendez de là ou je tire ! tonitrua le patron aux yeux qui se bridèrent davantage.

 

   Ugo ne se démonta pas.

 

   — Non, monsieur Je-ne-sais-qui, nargua-t-il. Vous me voulez vivant. Et si malgré tout vous tirez, vous allez faire du bruit car vos engins ne sont pas munis de silencieux. Vous savez bien que c’est le moyen de vous jeter sur la police qui vous cueillera à bras ouverts.

 

   Les trois acolytes demeurèrent interdits, ne sachant que faire. Ugo déchira les rideaux et découvrit l’encadrement béant de la fenêtre.

 

   — Choisissez, dit un Asiatique, celui qui ordonnait toujours : nous ou la police. Vous avez supprimé un Anglais dans un ravin près de Pretoria. Il nous suffit d’envoyer le film de votre forfait à la police et vous êtes fait comme un rat.

 

   — C’était donc la filature de l’Aston-Martin.

 

   — Nous espérons faire mieux avec vous parce que nous vous témoignons de la rancœur. Souvenez-vous : Beyrouth, Ouagadougou. Vous saisissez que vous êtes un individu nuisible pour nous. Vos chances restent cependant entières, tandis qu’avec la police…

 

   — Chantage, s’exclama Ugo. Cessez de tenter de me berner. Vous savez très bien que Starkey est vivant.

 

   —Vous avez perdu cette fois, tonitrua l’Asiatique.

 

   Pas encore !

 

Ugo se jeta par la fenêtre et atterrit dans le terreau du jardinet. Relevé prestement, il fila vers un angle de la maison pour se mettre hors d’atteinte des balles qui fusaient déjà.

 

   Le garage était bâti tout là-bas au fond du jardin.

 

   Les coups de feu avaient cessé. Ugo discerna le ronronnement du moteur qui lui parvenait de cette dépendance, et partit en trombe dans sa direction, alors que les Japonais devaient s’activer vers la sortie de la demeure.

 

   Ugo se blottit derrière la porte du garage. Un fourgon Ford quittait son abri. Le Français se hissa dans la benne sans être vu. Heureusement une cloison dépourvue de vitre le séparait de la cabine.

 

   Madame de Coorter protestait avec véhémence contre ce qu’elle appelait une ignominie. Les éclats de voix s’atténuèrent ensuite et la conversation devint inaudible, étouffée par le bruit du moteur.

 

   Où pouvaient-ils bien aller ?

 

   La camionnette Ford suivit pendant une heure la grand-route qui relie Johannesburg à Pretoria puis s’engagea dans des chemins défonçaient qui dinguaient Ugo dans tous les sens.

 

  Une deuxième heure s’écoula.

 

**********

 

   La Ford amorça une manœuvre de ralentissement précipité.

 

   Ugo souleva un coin de bâche qui fermait l’arrière de la camionnette. Il vit d’énormes crassiers ocre qui découpaient symétriquement le ciel gris.

 

   La voiture décrivit un large arc de cercle dans une cour intérieure cendrée. Un centre d’extraction d’or désaffecté et qui menaçait ruine apparut.

 

   On stoppa.

 

   Avant que les autres occupants de la camionnette n’aient eu le temps d’ouvrir les portières, Ugo s’était précipité hors de la benne et avait couru se terrer derrière un wagonnet couvert de rouille.

 

   Le diamantaire et son épouse claquèrent violemment les portières. Le mari expliquait quelque chose à sa femme avec de larges battements des bras, visiblement surexcité. Madame de Coorter le suivait en maugréant, trottinant.

 

   Ils disparurent par la porte d’un ancien bureau surmontée d’une inscription illisible, rongée par le temps.

 

   Ugo consulta sa montre. Elle indiquait dix-neuf heures trente.

 

   Le soleil déclinait vers l’ouest.

 

   Ugo emboîta le pas aux Sud-Africains. Il déboucha dans un couloir glacial aux murs poisseux. Des portes ouvraient les murs de chaque côté. Il ouvrit la première qui se présentait avec d’infinies précautions. Il n’y avait rien derrière, la salle était vide. Il s’arrêta sur la pointe des pieds en entendant le grésillement d’un haut-parleur. Une voix appela :

 

   - Davidson, Valdois, Vincent, Harris, Whitney et Gelsthorpe, le patron vous demande immédiatement. Bureau trois.

 

   Valence progressa tandis que l’appel était répété plusieurs fois sur un ton insistant. La seconde et la troisième pièce étaient vides. La serrure de la quatrième porte résista.

 

   Sa perquisition ne fut cependant pas vaine. Il découvrit avec stupéfaction un arsenal d’armes et d’explosifs. Il s’octroya un revolver, à toutes fins utiles. Puis ce furent des laboratoires ultramodernes.

 

   Les bâtiments de la mine avaient été reconvertis en une fabrique d’explosifs clandestine.

 

   Le haut-parleur diffusa un nouvel ordre :

 

   — Les responsables au matériel : sortez les trois Piper et mettez-les sur la piste.

 

   Cet ordre lancé eut l’effet d’un boulet de canon sur le Français. Il s’avoua piteusement qu’il n’était plus dans la course. Il devait prendre le mors aux dents sans plus tarder.

 

   Après les laboratoires, Ugo s’avança à pas de loup dans un couloir perpendiculaire au premier. Une veilleuse de sécurité qui luisait à l’autre bout lui indiquait la direction à emprunter.

 

   Il s’adossa au mur pour se confondre avec lui. Des bottes martelaient le dallage en béton et le bruit envahissait le couloir.

 

   Des gens qu’il ne pouvait distinguer s’entretenaient à quelques mètres de lui. L’agent secret braqua son arme, prêt à la riposte. Il identifia le timbre de voix du diamantaire sud-africain.

 

   — Vous savez ce que vous avez à faire dans la station française, réseau « Iris », assurait ce dernier. Vous la survolerez à la file indienne à basse altitude et, chacun à votre tour, vous lâcherez une bombe dessus. Que votre passage soit réussi ou non, vous en faites un second. Même topo. Ensuite vous revenez droit ici même si par malchance les six bombes ratent leur objectif. Vous décollerez à dix-neuf heures quarante-cinq, c’est-à-dire dans huit minutes. Votre raid doit durer vingt-cinq minutes au plus. A vingt heures dix vous vous poserez sur la piste. Je vous le répète, l’horaire est impérieux. Ici tout sera prêt pour notre fuite. Nous serons à la frontière rhodésienne dans la nuit.

 

   L’agent secret français arrivait juste à temps pour jouer le rôle du grain de sable dans l’engrenage.

 

   — Agissez le plus rapidement possible, ajouta le diamantaire de Coorter, il y va de la réussite de notre projet.

 

   — Je vois d’ici les explications que ne vont pas manquer de réclamer les Français aux Anglais, persifla une voix.

 

   Willeman ! Le Rhodésien Willeman ! Ugo aurait donné sa tête à couper quelques instants auparavant qu’il se tenait là, lui aussi, à cinq mètres de lui. Quelque chose comme un pressentiment le lui avait dit.

 

   — Les Japonais nous ont mâché une partie de la besogne, avec ce maudit Français, constata Willeman, caustique.

 

   « Détrompez-vous, Willeman ! Vous ignorez à qui vous vous attaquez. Vos paroles expliquent beaucoup de choses et vous paierez de votre vie vos diaboliques machinations. »

 

   Ugo déguerpit en entendant des pas qui se rapprochaient. Il se réfugia dans une des salles vides et glissa un regard dans l’interstice qu’il avait laissé entre le chambranle et le battant de la porte.

 

   — A vos postes, mugit le haut-parleur.

 

   Ugo compta les pilotes qui défilaient rapidement comme des signaux d’ombre devant le seul œil qui épiait.

 

   Un… deux… trois… quatre… cinq… six !

 

   Le dernier traînait légèrement la semelle. Ugo bondit comme un lion sur sa proie, étouffa un cri d’appel en lui comprimant fortement la gorge et exerça une brusque torsion qui disjoignit les vertèbres cervicales.

 

   Le pilote cessa toute résistance. Son corps devint aussitôt flasque. Ugo dut le soutenir pour qu’il ne s’écroule pas bruyamment sur le dallage.

 

   L’attaque s’était déroulée sans accroc. Les collègues de la victime ne s’étaient aperçus de rien.

 

   En un peu plus d’une minute, Ugo réalisa une substitution de personne.

 

   Il enfila la combinaison, laça les chaussures, sangla le casque puant la sueur et cacha son visage derrière les grosses lunettes. Sa victime gisait en slip à ses pieds.

 

   Le Français courut dans la direction prise par les autres aviateurs tout en laissant tomber son arme contre sa poitrine. Il passa à l’extérieur et rejoignit la bande sous le hangar d’où venaient de sortir les Piper, après avoir escaladé une pile de traverses métalliques et contourné un wagon qui pourrissait sur ses rails.

 

   Ses compagnons d’équipée ne remarquèrent pas son retard. Ugo fermait la colonne dans l’attente de savoir quel était son avion et quelle était sa place.

 

   Les Piper stationnaient à l’entrée de la piste, les uns derrière les autres. D’une couleur gris acier, ils ne portaient aucun numéro ou signe distinctif sous les ailes ou sur leur fuselage.

 

   Ugo se décontracta. Son opération de contre-attaque se mettait en place normalement jusqu’à présent, bien qu’elle fût une improvisation de dernière minute.

 

   Les équipages se démarquèrent en approchant des avions. Ugo comprit que son appareil était le deuxième. Comme son compagnon de vol était déjà à son poste derrière le manche à balai, il grimpa derrière lui, très à l’aise.

 

   Le pilote lança le moteur et laissa chauffer quelques instants.

 

   Valence échafaudait déjà un plan. Les doubles commandes que possédait le Piper allaient être d’un inestimable service pour ce qu’il avait l’intention de faire. L’appareil comptait aussi la radio.

 

   Le runway était en fait une piste de fortune macadamisée. Pas de signal lumineux pour leur annoncer que la voie était libre.

 

   Un individu fit signe d’un geste du bras que tout marchait bien et qu’ils étaient autorisés à décoller.

 

   Le pilote regarda sa montre d’un mouvement d’automate. Ugo en fit autant. Il était dix-neuf heures quarante-cinq précises.

 

   Le premier Piper s’éloigna sur la piste et commença les manœuvres de décollage.

 

   Leur tour était venu.

 

   Le pilote mit le Piper convenablement dans l’axe de la piste et ouvrit progressivement les gaz. L’aiguille du compte-tours bougea rapidement vers les dix-neuf cents tours-minute, et l’appareil prit de la vitesse sur le macadam. La queue se releva à la suite d’une légère pression en avant sur le manche, puis le pilote tira  et le Piper prit son envol.

 

   En bout de piste, le pilote vira à gauche pour passer à l’écart d’un crassier. Le troisième Piper mordait la piste derrière eux.

 

   Ugo inventoria le matériel de travail mis à sa disposition : deux bombes sommaires fabriquées à l’aide de bâtons de cheddite et une mitraillette. A ajouter à ces engins : son revolver.

 

   Il disposa le tout à portée de main.

 

   Devant lui, le pilote contrôlait l’altimètre. Il réduisit les gaz, lorsque la hauteur atteignit cinq cents mètres, jusqu’à ce que l’aiguille fût stabilisée à mille cinq cents tours.

 

   Il regarda le Piper qui le précédait et repoussa le manche. L’appareil entama une ligne de vol horizontale.

 

   La piste et la fabrique d’explosifs avaient disparu derrière les monts de déchets aurifères. L’avion survolait maintenant un immense plateau désertique, inhabité, d’une aridité désolante.

 

   Ugo estima qu’il ne trouverait pas une meilleure occasion qu’en ce moment de faire un sale coup aux deux autres appareils.

 

   Il serra son revolver par le canon et se pencha au-dessus de l’épaule du pilote à qui il demanda :

 

   — Appelle le patron par radio, il y a quelque chose qui ne va pas.

 

   — C’est impossible. Tu sais très bien que le patron a interdit tout appel radio.

 

   Le pilote sursauta soudainement, se retourna et cracha un flot d’injures en dévisageant l’intrus.

 

   Ugo se laissa aller en avant et mit la radio hors d’usage en arrachant les fils de sa main libre, puis il retomba sur son siège et asséna un coup de crosse sur la nuque du pilote qui tourna de l’œil. Il prit les commandes.

 

   L’air qui entrait par les deux vitres baissées était vivifiant et rafraîchissait le Français. Le soleil qui déclinait derrière un pan de collines frappait l’appareil de face et éblouissait le pilote.

 

   Sus à l’adversaire !

 

   Ugo posa la mitraillette sur ses genoux. Il réduisit davantage les gaz tout en contrôlant l’altimètre pour conserver la même hauteur de vol.

 

   Ce qu’il souhaitait se produisit rapidement. Le dernier Piper arrivait sur sa droite.

 

   Les deux passagers lui firent de grands signes d’interrogation. Ugo leur montra son compagnon. Il mit à profit leur hésitation et gouverna de façon à se rapprocher de leur appareil. Il se colla à en toucher l’aile.

 

   Les deux autres continuaient de gesticuler.

 

   L’absence de vent facilitait la stabilisation de l’avion. Ugo coinça le manche entre ses genoux.

 

   Il empoigna son arme. La mitraillette se mit à cracher des éclairs avec furie. Les balles labourèrent la carlingue du Piper. Le pilote eut la tête transpercée tandis que son compagnon battait des ailes dans un ultime sursaut de vie. Les deux corps basculèrent en avant et s’effondrèrent à l’intérieur de leur cockpit. Le Français ne les vit plus. La mitraillette se tut.

 

   Le Piper piqua instantanément et se mit à tourbillonner comme un oiseau blessé.

 

   Ugo prit de nouveau le manche en main et remit plein gaz.

 

   Il fallait attaquer l’autre appareil en comptant sur l’effet de surprise.

 

   L’avion en perdition termina son tourbillon en se fracassant au sol. Une gerbe de flammes environna les débris.

 

   A trois ou quatre cents mètres devant, le premier ne paraissait pas avoir remarqué le combat, mais sûrement avait-il vu la descente en vrille du Piper atteint.

 

   Ugo fonça sur l’objectif.

 

   La mitraillette était vide.

 

   Ugo alluma une cigarette.

 

   Tout en pilotant, il attira à lui une bombe de cheddite.

 

   Il maintint un moment la même altitude de vol que l’avion ennemi.

 

   Ugo calcula le temps qu’il lui fallait pour réussir son bombardement aérien. Une seconde à compter du moment où il allumerait la mèche reliée à un détonateur au fulminate et celui où il lâcherait la machine infernale : deux secondes de chute, ce qui représentait un minimum pour provoquer l’explosion de la bombe, et deux autres secondes pour lui permettre de s’éloigner du point de chute, car si l’appareil ennemi était touché et explosait, son propre zinc risquait lui aussi d’être durement secoué. Au total cinq secondes, avec une marge !

 

   L’adversaire continuait son vol en ligne droite. Bonne affaire !

 

   Ugo amorça une remontée au moment où il arrivait dessus. Tout en réduisant ses gaz, il posta son appareil à une vingtaine de mètres au-dessus des protagonistes. Il alluma la mèche avec le bout brûlant de sa cigarette en même temps qu’il donnait tous les gaz, distançant l’adversaire afin de contrebalancer le freinage de la chute de la bombe, puis visa et lâcha le bloc d’explosifs.

 

   Pour clore la manœuvre, il tira au maximum sur le manche pendant un court laps de temps.

 

   La bombe passa juste à droite de son objectif et creusa en cratère dans le sol cinq cents mètres plus bas. Ugo redressa son Piper après un looping et partit de nouveau en chasse.

 

   Tout était à recommencer.

 

   Et plus d’effet de surprise pour contre-attaquer !

 

   Au-dessous le Piper opéra une remontée afin de se mettre à la hauteur de son agresseur.

 

   Ugo poussa le manche à fond et piqua, imité aussitôt, puis remonta, surprenant l’ennemi en pleine descente.

 

   Tandis que le Piper ennemi reprenait l’horizontale, Ugo vira de manière à croiser sa ligne de vol, allumant la mèche de la seconde bombe.

 

   Il survola l’adversaire qui pointait vers lui et largua son paquet.

 

   La violence inouïe de l’explosion fit tanguer son appareil au moment où les tôles informes de l’autre s’éparpillèrent dans l’air à six cents mètres d’altitude. Les débris et les corps déchiquetés touchèrent terre dans un rayon de plusieurs centaines de mètres.

 

   Ugo exécuta un demi-tour de haute voltige, pour se témoigner de la satisfaction.

 

   Le coucou s’approcha tranquillement de la piste. Ugo baissa les gaz. Le moteur se mit à ronronner doucement. Le Piper freina dans l’air et se mit en perte de vitesse.

 

   Ugo maintint un moment l’appareil à quelques dizaines de mètres puis poussa légèrement sur le manche. Le taxi rebondit et cahota en touchant le revêtement de la piste, puis se stabilisa et se mit à rouler calmement jusqu’à l’autre extrémité du runway. Son pilote coupa les gaz et le contact à l’approche du garage. Avant de stopper, il s’assura que son compagnon de vol en avait encore pour un bon moment avant de revenir à la réalité.

 

   Des hommes accoururent vers le Piper alors que « Novan » en descendait.

 

   Une petite ruse.

 

   - Mission accomplie, leur assura-t-il. Malheureusement quelques pépins… Regardez-le. Occupez-vous de lui. Les autres arrivent.

 

   Il se pétrit le bas-ventre des deux mains.

 

   — Moi, j’ai un besoin à satisfaire.

 

   Le Français dépassa le hangar comme une flèche et fila à toutes jambes vers les laboratoires. De Coorter et Willeman conversaient, attendant qu’on vienne leur annoncer la réussite de la mission.

 

   Tout allait bien. Il était vingt heures cinq. Ugo estima qu’il avait quelques minutes d’avance. Et le principal point de son plan restait à exécuter.

 

   La sueur perlait dans son dos. Ugo courut jusqu’à la réserve d’explosifs. Il agrippa trois sacs empilés les uns sur les autres et les déficela. Il secoua leur contenu dans le couloir et dans toutes les pièces, de telle sorte que la poussière noire qu’ils contenaient se mélangeât à l’air et fît un véritable nuage de suie.

 

   Il répandit un quatrième sac de poudre noire dans les laboratoires et ouvrit toutes les portes pour provoquer un vaste courant d’air.

 

   Il rassembla un tas de poudre noire à terre.

 

   Une ultime mise au point. Il fouilla la réserve de produits de laboratoire et une des boîtes à pharmacie accrochées dans chacune des salles d’expériences.

 

   Il recouvrit le fond d’une boîte en carton, sur un demi-centimètre d’épaisseur, d’une couche de permanganate de potasse en cristaux qu’il aspergea de glycérine après l’avoir recouverte de papier-filtre. Il mit le couvercle et plaça la boîte dans le tas de poudre amassé au sol.

 

   — Que faites-vous, demanda une voix féminine derrière lui.

 

   C’était Sandie de Coorter.

 

   Ugo se tourna vers la ravissante blonde qui se figea, bouche bée.

 

   — Venez, ordonna Ugo, lui tendant la main.

 

   — Vous ! réussit-elle à bafouiller.

 

   — Venez, répéta Ugo, la température dégagée par la réaction va arriver à son point d’auto-inflammation dans trois ou quatre minutes.

 

   — La quoi ? interrogea Sandie, médusée.

 

   — Venez vite !

 

   Elle s’accrocha à son bras.

 

   — Montez à côté, enjoignit Valence en atteignant la camionnette Ford. Je vais prendre le volant.

 

   La voiture partit comme un bolide. Son conducteur fit tourner le moteur en accélération constante sur plusieurs centaines de mètres.

 

   Une fantastique détonation secoua l’atmosphère suivie d’une pétarade infernale.

 

   Ugo stoppa la Ford et descendit.

 

   Le volcan qu’était devenue la fabrique d’explosifs crachait des pierres parmi des milliers de débris de toute espèce et déchirait ses flancs sous la formidable déflagration interne.

 

   Il ne subsistait plus pierre sur pierre.

 

   L’agent secret remonta dans la Ford. Sandie le regardait tristement.

 

   — C’est moi qui vous ai écrit à Ouagadougou, sur l’ordre de mon mari. J’ignorais tout de ses desseins, et lorsque j’en ai eu connaissance, il était trop tard. Je vous croyais mort. Ils ont payé de leur vie.

 

   Ugo l’enlaça.

 

   Mission terminée.

 

**********

 

    Ugo tirait avec délectation de grandes bouffées dans une Gitane tout en lisant le communiqué du ministère des Armées que lui avait tendu le Vieux.

 

   « Le 26 novembre 1965, à 15 h. 47 (heure de Paris), la fusée « Diamant » a été lancée de la base saharienne d’Hammaguir et le satellite « A1 » a été placé sur orbite conformément aux prévisions. »

 

   — Je ne suis pas mécontent de moi, s’épancha Ugo Valence.

 

   — Je suis fier de vous, assura le Vieux.

 

   — Qui était Diekow, questionna l’agent secret.

 

   — Affaire de substitution de personne, rétorqua monsieur Staine. Votre Diekow était un faux. Nos agents en Orient sont sur la bonne piste.

 

   — Et Aboussoula ?

 

   — Coffré !

 

   Ugo soupira.

 

   — Qu’allez-vous faire maintenant ? s’enquit le Vieux.

 

   Suivre bien à l’aise le reportage télévisé du lancement de « Diamant » !

 

 

 

F I N

 

 

 
 

 


Date de création : 02/07/2009 18:34
Dernière modification : 07/06/2018 22:11
Catégorie : UGO VALENCE, Agent secret
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REALITE A VIVRE ...

Une fessée d'amour

pour Tequila

Extrait n° 1

...

Et alors il me regarde.

Moi aussi. Un chat, quand ça ne connaît pas, c’est méfiant ! Ici, tout est différent.

Les cercles de mon engin sont de plus en plus amples. Le chat me suit des yeux. Le moteur poussé à fond fait un boucan d’enfer, l’animal ne manifeste aucune peur. Je passe près de lui, nous échangeons un coup d’œil complice, et alors j’entreprends un ultime parcours sur les bordures du jardin potager.

Doucement le chat se lève, fait le gros dos, emprunte dans l’autre sens le trajet de son arrivée et s’éclipse tandis que je baisse le régime du moteur.

J’avais envie de l’approcher, c’est raté.

Je ne sais même pas par où il est passé.

...

 

...

 

Extrait n° 2

 

La touffe de poils n’a pas bougé pendant que je l’observais. J’ai alors envie de partager mes interrogations à son sujet et je vais chercher mon épouse.

— Regarde ! Il y a un mois, quand je retournais le jardin… tu t’en souviens, je te l’ai raconté ! J’ai l’impression de voir le chat qui m’observait.

Il a doucement levé la tête. Est-ce notre présence qui l’a alerté ? Nous nous tenons tranquilles, à plusieurs mètres de lui. Il n’a pas bougé de place. Il nous regarde, nous juge, nous jauge. Il redresse le corps et, continuant de nous fixer, il nous adresse un miaulement.

Je continue :

— C’est le chat qui s’est assis un moment sur une planche du jardin, près de moi, pendant que je travaillais le terrain.

— Il a l’air tout jeune.

— Il semble vouloir nous dire quelque chose.

J’enlève sans précipitation la chaîne qui interdit l’accès au terrain après avoir déverrouillé le cadenas qui la maintient, et nous amorçons notre approche.

La petite bête nous observe et nous manifeste de la méfiance. Elle se tient sur ses gardes, nous nous arrêtons. Elle va fuir si nous poursuivons vers elle.

 

...

Extrait n° 3

 

Pas le moins du monde dépaysée, la minette. De toute évidence, elle vivait près de gens, avec des gens. Ce n’est pas une chatte qui court les caves, les haies, les gouttières ou les hangars agricoles pour manger et dormir.

Bien sûr ! C’est gagné !

La chanson devient de plus en plus répétitive : « Mardi matin, lala , la chatte et… sont toujours chez moi pour… »… Et elle est profondément endormie, recroquevillée, dans son baldaquin de fortune. Et pour quelques heures encore !

Elle s’incruste et au fil de la journée s’insinue l’idée que nous en avons la charge, comme si elle devenait petit à petit notre propriété et que nous en aurions la responsabilité. Non, cet animal, nous voudrions bien qu’il retrouve ses maîtres !

Pour aujourd’hui la chatte ne se laisse pas encore trop approcher, encore moins toucher, et nous lui accordons le temps de s’habituer.

Cependant, dès qu’elle est éveillée, elle se lèche, elle se gratte, s’égratigne, se met à vif la tête, la nuque, le cou, le dos, la queue. Son pelage est mitraillé de trous.

Ce mercredi nous laisse désemparés. Il n’est pas possible d’apporter le moindre soin à notre malade. C’est à peine si au cours de la journée nous pourrons la frôler, maîtrisant nos gestes qu’elle ne doit pas interpréter comme des menaces.

 A suivre.

...

Extrait n° 4

 

Courant maladroitement en
traversant la pelouse la première fois, mieux organisé
et habilement dissimulé derrière d’épais buissons de
fleurs qui bordaient l’eau la deuxième fois, il s’apprêtait
à faire un copieux repas. A moins que sa dégustation
n’ait commencé avant notre mise en alerte ? Les cris
menaçants et les gestes rageurs de la famille eurent
raison de l’importun qui fut dans l’obligation de prendre
un envol laborieux sur une piste un peu courte. La
troisième fois, il resta haut perché sur le faîte d’un saule
et ne prit pas le risque d’atterrir.
Nous ne prîmes pas de risque non plus et le filet fut
installé.
Au travail donc !
Le haut du grillage mitoyen s’agite, pris de
tressautements. Un « frout, frout » sec et soudain, le
lierre s’entrouvre comme fendu par l’éclair. Une touffe
trépigne en basculant vers moi.
Deux yeux, deux oreilles, quatre pattes, une queue, le
tout en noir et blanc, qui souffle en amortissant sa
dégringolade sur le muret fleuri.
Je suis sur le côté opposé du bassin. Plusieurs mètres.
C’est le déclic instantané dans mon esprit, et j’ouvre
sans doute une bouche toute ronde, aussi ronde que
mes yeux ébahis. Même les poissons ont été surpris,
des vaguelettes nerveuses se propagent en cercles qui
s’entrecroisent.

« Bonjour, c’est moi, Minette. Me revoilà. Ah ben oui,
cela fait cinq mois, d’accord, mais bon ! »

A suivre

 

....

Extrait n° 5

— Le pharmacien a oublié le fusil à lunettes et la seringue hypodermique. Ce n’est que de cette façon que nous parviendrons à soigner « notre félin ».

Je juge sage d’attendre le lendemain pour le lait. Une noisette de crème sur la pointe de l’index et du majeur gantés. L’opération est réalisée en cachette.

Pendant que la chatte mange, j’écrase avec toute la délicatesse possible l’onctueuse boule blanche sur la plaie la plus importante du dos. Elle s’est déjà esquivée.

La notice pharmaceutique conseille, pour que le soin apporté ait davantage d’efficacité, de couper ou de raser les poils autour des lésions. Impensable dans le cas présent.

Les applications ne donnent donc aucun résultat notable et la dermatose s’étend sur le dos mité et l’abdomen pelé. Nous avons au niveau du contact avec notre protégée obtenu un effet inverse : Minou ne veut plus manger tant que nous sommes présents et trop proches d’elle. Nous représentons maintenant une menace.

Tentons le collier antipuces.

L’acheter, c’est vite fait. Il reste à l’installer. Minette ne collabore pas et refuse toute approche,  elle a compris que notre comportement cache quelque chose. C’est par surprise que je lui passe le collier sous le cou, saisis la pointe à l’opposé et la glisse dans le premier côté de la boucle. La bête ressent ce carcan comme un corps étranger dont elle veut se débarrasser. Elle essaie de l'ôter, glisse une patte entre l’intrus et son cou et tire avec une grande violence, mais rien n’y fait.

A suivre

 

   

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