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Kaboul ...Thé ! Calais ... Café ! "Un Afghan à Calais" Le récit complet en PDF (Icône : Titres complets à lire ou romans au choix) _____ ROMANS AU CHOIX
NOTRE LANGUE EN PROSE Kaboul ... Thé ! Calais ... Café !
COMME AU BON VIEUX TEMPS DES FEUILLETONS ... UGO VALENCE, Agent secret
NOTRE LANGUE EN VERS ESILELISE Esilelise
 
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NOTRE LANGUE EN PROSE Le français dans la mouise De l'Antiquité à nos jours ...
Nouvelles d'hier et de demain, et même ... d'avant-hier et d'après-demain
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La more solitere du vieus moulin NOTRE LANGUE EN VERS JUSTE UN DERNIER VERS ... ET JE FINIS MON CHEMIN Juste un dernier vers ... et je finis mon chemin
PIED A PIED
Le lézard
Un lézard
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un lézar
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un léza
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un léz
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un lé
mon Dieu
qu’il est laid et hideux
sans sa queue
Un l
qui perd la tête
ça n’a
ni queue ni tête
S.L.
Dis, Monsieur
Dis, Monsieur,
Fais-les rire
Dis, Monsieur,
Regarde leur sourire
Dis, Monsieur,
Ecoute leurs soupirs
Dis, Monsieur,
J’veux pas être sérieux
Dis, Monsieur,
Fais-en des élèves heureux
Tais-toi, mon âme,
Je suis prof.
S. L.
Oiseau de liberté Hip ! Hip ! tu sautilles-tilles Piaf sur le bord de la gouttière et tu cries ton enfant tombé à peine emplumé du nid de tiges séchées et ma main main minotaure qui l’enserre
ne crie pas si fort
Piaf
c’est pour mieux le regarder c’est pour mieux l’envier cet oiseau-enfant aux ailes de liberté.
Je dédie ce poème à l’oiseau ramassé à peine ce poème terminé
P
Pipi, pipi, pipi, Popo, popo, popo, Papa, papa, papa, Pépé, pépé, pépé,
-i-i, -i-i, -i-i, -o-o, -o-o, -o-o, -a-a, -a-a, -a-a, -é-é, -é-é, -é-é ,
Sans P la vie serait A mourir de rire.
U
Un chameau Et deux dromadaires, Ca fait trois bossus !
Une ânesse Et deux baudets Ca fait trois têtus !
Un Petit Poucet Et ses deux frères Ca fait trois perdus !
Un gros Et deux replets Ca fait trois dodus !
Une pie Et deux arondes Ca fait trois langues bien pendues !
Mais un T Et deux U Ca ne fait qu’un vieux train : TU-U !
S. L.
Fleuve Amour, bonjour
Tais-toi, Congo, T’es pas beau !
T’as la Vistule Qui se coagule
Et tu fais Mississipi dans l’Ienisseï
Ton épouse la Garonne joue l’Amazone
Avec le beau Danube Qui titube
Il croit avoir la Moskova Dans les bras
Et l’Escaut C’est pas le Pô
Enlève la chemise De la Tamise
Ah ! ce Rhin Quel maintien
Il caresse sa demoiselle La Moselle
Et perd le Nord L’Amour est le plus fort
S. L. Bonne lecture !
ME JOINDRE
NOUS SOMMES LE
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UGO VALENCE, Agent secret - NUITS DU LIBAN chapitre 5
Nuits
Stéphane LEFEBVRE
Nuits du Liban
CHAPITRE 5
Les aiguilles de l’horloge de l’Université américaine marquaient presque vingt heures. Ugo vérifia l’exactitude de l’heure à sa montre. Il la consulta une seconde fois afin de se remémorer la date. Le cadran dateur était marqué d’un dix. Dix novembre. Un mercredi.
Il était aux abords de l’Université, assis au volant de l’Austin 1800, au moment où les étudiants sortaient du restaurant universitaire. Ugo reconnut plusieurs personnes pour la beauté de leurs traits qu’il avait pu apprécier la veille.
Il fixait intensément la sortie. Il guettait quelqu’un.
La fille à la peau brune qui avait joué la veille un sale tour au barman libanais, du moins celui-ci le prétendait-il, s’avança à petits pas sur le trottoir. Ugo la détailla avec émerveillement et perspicacité. Elle était indéniablement de race arabe. Sa chevelure abondante cerclait de façon étudiée un visage fin et régulier. Sa peau s’annonçait douce au toucher. Elle portait une robe comme en portent les jeunes Occidentales, courte sans exagération et taillée sobrement, qui cachait des rotondités enivrantes. Elle avait jeté une veste légère sur ses épaules pour se protéger de la fraîcheur du soir.
Outre sa beauté, Ugo avait étudié son comportement. Elle n’avait pas fait un seul geste qui pût signifier qu’elle attendait quelqu’un.
Elle s’éloignait avec force ondulations naturelles qui ajoutaient une teinte nouvelle à son charme.
Ugo lorgna les environs. Aucun casse-pied ne lui emboîtait le pas. Pas un conducteur n’ouvrait la portière de sa voiture et l’invitait à prendre place.
La jeune beauté continuait son chemin à pied. Ugo décida de l’imiter. Il descendit de voiture. Il se vissa une cigarette aux lèvres, l’alluma, et se mit en marche, prenant la filature.
La jolie femme martelait les pavés d’un pas nerveux et donnait l’impression d’avancer rapidement. Ugo la suivait, à une bonne trentaine de mètres, il est vrai, la cigarette fumante aux lèvres, les mains dans les poches, de l’air dégagé et bonhomme du flâneur.
Pendant dix minutes, il déambula, le regard perdu. Un regard qui enregistrait avec une fidélité extrême.
Tout à coup Ugo vit disparaître la nymphe à l’intérieur d’une maison.
Du même pas traînard, il s’approcha. C’était une boîte de nuit. Le contraire eût été étonnant. Il n’y avait que des boîtes de nuit dans cette rue à l’Américaine. Ugo lut l’enseigne électrique verticale encore éteinte : « Le Californy’s ». Il dépassa l’entrée avec un manque d’intérêt volontaire pour l’intérieur de l’établissement et s’attarda devant un panneau publicitaire. Des affiches aux couleurs crues, toutes semblables, vantaient en termes grandiloquents et plats la qualité du spectacle du « Californy's ». Ugo lut attentivement le programme puis reporta sa vue sur le haut de l’affiche afin de se renseigner sur les dates et les horaires des représentations. Il y en avait une prévue pour le soir même à vingt-trois heures.
L’idée de pénétrer dans la boîte de nuit immédiatement et de connaître les lieux lui effleura l’esprit. Ugo la jugea absurde. Elle ne pouvait qu’attirer les soupçons sur l’intrus. En conséquence il viendrait en fervent amateur assister à la représentation.
Il s’éloigna tranquillement.
**********
Ugo rendit une poignée de main amicale au docteur Monribier. Celui-ci l’invita à avancer dans la cuisine.
— Comment va ? s’enquit Ugo en attirant une chaise à lui.
— Bien ! Mais c’est à vous qu’il faut poser la question ! Je vous attendais hier ! Quelque chose vous a retenu ?
— Non ! J’ai estimé que le déplacement était inutile, répondit Ugo, laconique.
Le docteur opina du chef. Son regard interrogateur trahissait son désir d’une explication détaillée qui ne vint pas. Il changea le sujet de conversation.
— Savez-vous que la police a découvert Lanson ?
— Non ! s’exclama Valence intéressé.
— La police l’a découvert hier matin mais piétine dans son enquête. J’ai lu la nouvelle dans le journal en langue française « L’Orient ». D’après l’auteur de l’article qui manque visiblement d’informations, la police ignore si la mort est naturelle. Peut-être feront-ils l’autopsie s’ils en ont la permission ? Vous voulez voir le journal ?
Ugo fit oui de la tête. Monribier le lui lança.
— Avant-dernière page, indiqua-t-il.
Il ouvrit un tiroir-bar.
— Arak ou whisky ?
— Je pencherai pour le whisky, sourit Ugo, dépliant le quotidien. Il parcourut rapidement l’article pendant que le docteur emplissait deux verres. Il replia le journal et le posa sur la table une fois la lecture terminée.
Ils trinquèrent.
— Oui, assura Ugo après avoir avalé une gorgée, si nous en croyons les propos tenus par le journaliste, la police n’est pas encore dangereuse pour nous.
— Non, il lui sera très difficile de diagnostiquer la cause véritable de la mort.
Monribier marqua une pause. Il reprit, gêné :
— Qu’est ce qui vous a retenu hier ?
Ugo entreprit de lui faire le récit de ses aventures de la veille. Son interlocuteur avait réitéré sa question : autant assouvir sa curiosité.
En venant chez le docteur, Ugo avait un plan qui l’intégrait dans sa mise en pratique.
— Et la fille ? s’inquiéta Monribier.
— C’est mon fil conducteur.
— Pour quelle raison joue-t-elle ce triste jeu ? Car enfin elle se fait la complice d’assassins et leur livre sans arrière-pensée les bêtes pour l’abattoir.
Ugo enchaîna :
— C’est la question que je me pose. Les soupçons des employés de la station, des Français ceux-là, se sont peut-être concrétisés. On découvrirait prochainement le pot aux roses. Ainsi le réseau ennemi a résolu de supprimer Diekow grillé.
Diekow était le nom du prétendu chef du barman libanais, le macchabée de la veille. Ugo s’était remémoré son identité en consultant le fichier constitué par l’infortuné Lanson. Du moins se faisait-il appeler ainsi.
— J’estime, continua le docteur, que ces manœuvres soviétiques, dans la mesure où nous accordons notre confiance aux allégations du barman, sont une simple routine. Je vois mal l’U.R.S.S. cherchant à connaître les petits secrets français dans un domaine où elle semble partager la suprématie avec les Etats-Unis.
Ugo alluma une cigarette et répondit tout en exhalant la fumée :
— Je le pense aussi. Nos espions de l’Est veulent simplement voir le niveau atteint par la France.
— Ils auront supprimé Diekow, et d’autres peut-être, pour que l’affaire soit étouffée. Eventée, elle créait des tensions dans les relations Paris-Moscou. Une douche froide !
— C’est un incident sans gravité, dit Ugo, résumant son opinion, dans la mesure où l’intention évidente de l’U.R.S.S. n’est pas de s’assurer à vil prix des secrets de la France, mais de se faire une idée des progrès réalisés par celle-ci en matière spatiale. On laisse entendre à Paris que les Soviétiques pourraient, comme les Américains pour « Fr. 1 », mettre quelques-unes de leurs fusées à la disposition des techniciens français afin qu’ils puissent placer d’autres satellites en orbite. Absolument rien n’a été envisagé à ce sujet au niveau des gouvernements, déclare-t-on dans ces milieux bien informés. On reconnaît cependant, dans ces mêmes milieux, qu’une éventualité a été évoquée à l’échelle des techniciens, lorsque du onze au dix-neuf octobre, le professeur Leonid Sedow, qui est membre de l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S., a eu une série d’entretiens avec les dirigeants du Centre National d’Etudes Spatiales.
— Les gens de l’Est ne tiennent quand même pas à ce que leurs agissements soient divulgués dans le monde entier, rétorqua Monribier d’une voix exaltée.
Ugo ne répondit mot. Il eut un signe de tête pour signifier son adhésion à cette idée. Le docteur enchaîna du même ton surchauffé :
— Si les Soviétiques avaient voulu dissimuler leur action, ils auraient fait disparaître les traces susceptibles de les compromettre, notamment les cadavres. Pas vrai ?
Ugo approuva les dires de son compatriote et avoua :
— C’est justement là que quelque chose m’échappe. Ou bien ils étaient pressés par le temps, ce qui est quasi inconcevable, ou bien… je ne sais pas… des ennuis.
Les deux Français s’envoyèrent en chœur une rasade d’eau-de-vie.
— Vous permettez, j’ai faim. J’ai eu beaucoup de travail auprès de mes malades aujourd’hui et cette agitation m’a creusé l’appétit.
— Je vous en prie, assura Ugo.
L’agent secret exposa son plan pendant que son collaborateur dévorait plusieurs sandwiches. Ils se rendraient tous deux le soir même au Californy’s et assisteraient au spectacle. Ugo tenait à ne pas se départir du personnage officiel que lui avait composé le Vieux. Il était donc entendu qu’il s’exprimerait en anglais. Le docteur Monribier connaissait suffisamment la langue pour la comprendre.
Ugo consulta le réveil qui trônait au milieu des bibelots sur une cheminée basse : vingt et une heures quarante. Ils disposaient d’une bonne demi-heure de répit avant de partir pour la boîte de nuit.
Ugo alluma la nième cigarette de la journée au mégot qui lui brûlait le bout des doigts.
**********
Il était exactement vingt-trois heures lorsque les deux Français pénétrèrent en smoking, tenue obligatoire, dans le cabaret.
D’innombrables clients affluaient et accaparaient les tables les plus proches de la piste de danse. Ce n’était pas précisément ce que l’agent secret recherchait. Ugo repéra une table discrètement planquée dans un coin. Il la jugea parfaitement située pour surveiller d’un seul coup la piste de danse, la salle elle-même et l’entrée du night-club.
— Come !
Il entraîna Monribier.
Ils s’installèrent, le docteur tournant le dos à la salle, Ugo lui faisant face.
Les lumières crues cédèrent bientôt la place aux lumières tamisées. Le spectacle n’allait pas tarder à débuter. Selon une habitude qui lui avait toujours donné entière satisfaction, Ugo fit du regard une reconnaissance des lieux discrète et efficace.
A une dizaine de mètres de lui, sur la gauche, était installée la piste de danse, plus élevée que le reste de la salle. Elle était déserte. Dans le coin opposé, Ugo remarqua une porte vitrée fermée qui donnait sûrement dans les coulisses. Les côtés de la salle étaient longés de tables de forme excentriques surmontées de vestes coquilles fixées aux murs destinées à empêcher les intrus de saisir vos confidences, si vous aviez des confidences à faire. En conséquence, les agitations des lèvres des autres clients restaient un mime pour vous. Les recherches dans la décoration présentaient à la fois des avantages et des inconvénients. D’autres tables semblables embarrassaient le centre de la salle. Leur système réflecteur était, lui, suspendu au plafond.
Peu de tables restaient inoccupées. Les bouchons de champagne sautaient dans tous les coins hors de mains fébriles et tremblantes de morphinomanes.
Ugo détailla avec dégoût les consommateurs blasés qui jouaient à merveille leur rôle de types en liesse, pour la plupart des poussahs nostalgiques qui ressemblaient à des tonneaux, le crâne bosselé et dégarni, les yeux globuleux injectés de sang, le visage mangé par un début de barbe bleue.
Monribier lui jeta un regard significatif. Les mêmes réflexions écœurées hantaient son esprit.
Une voix grave qui contrastait avec son propriétaire, un éphèbe grand et frêle, interrompit l’inspection de l’agent secret.
— Bonsoir Messieurs. Je vous souhaite une excellente soirée. Vous désirez ?
Ugo interrogea Monribier de la pointe du menton.
— Champagne ? avança le jouvenceau.
Le docteur acquiesça.
— Champagne, accepta Ugo, avec l’accent anglais.
Ugo alluma une cigarette blonde et souffla avec force un nuage de fumée sous la coquille qui insonorisait leur camp retranché.
Le barman les servit avec des gestes de naïade. Un sourire moqueur et amusé fleurit sur le visage de Monribier.
Une musique douce annonça le début du spectacle. La mélodie s’immisça dans les cœurs, aidée par la nostalgie artificielle que provoque l’ingurgitation précipitée et répétée d’alcools, brisa les langues et emprisonna l’assistance dans la tension insupportable de l’attente. Les spectateurs pivotaient d’un mouvement unanime afin de faire face à la scène, Monribier et Valence compris.
Six filles quasiment nues, la tête exagérément chargée, se traînaient sur la piste avec des contorsions de femmes fatales. Elles se déhanchaient, d’abord à la queue leu leu, Ensuite se faisant face deux à deux, enfin dispersées. Elles secouaient leur costume pailleté en une danse lascive. Ugo comprit qu’elles répéteraient pendant un quart d’heure les mêmes figures. Il reprit son inspection.
Un bar rutilant s’élevait légèrement sur sa droite. Derrière le comptoir, le barman dévorait les danseuses de ses yeux fixes tout en se fourrageant dans les trous du nez du petit doigt. Il l’en ressortait chargé de délices qu’il léchait goulûment et aspirait ensuite. L’entrée du cabaret s’ouvrait à l’extrémité du comptoir la plus éloignée de Valence.
Le Français avait terminé son tour d’horizon. Il retraversa la salle du regard. Il le stoppa en pleine course sur la porte entrouverte de l’angle opposé. Plusieurs individus quittaient leur table et disparaissaient. On referma la porte.
Des clients ! Qu’allaient-ils faire dans les coulisses ? Le visage du Français se renfrogna spontanément. Il comprit que son explication à l’existence de cette porte n’était plus valable. Il la rejeta. Il se demandait sur quoi pouvait bien donner cette maudite porte !
Monribier n’avait rien remarqué de suspect. Il suivait les frémissements de ces filles poussées dans le cercle infernal de la débauche. Ugo fit de même. Les danseuses étaient très loin des posséder la classe des danseuses étoiles, mais elles en avaient le corps souple et élancé. Présentement cette qualité l’emportait.
Quatre déesses succédèrent sur la piste à leurs camarades et se démenèrent en des danses de plus en plus sensuelles.
Ugo lorgna de nouveau la fameuse porte. Un malabar se découpa dans l’encadrement et un ventripotent disparut. Ce va-et-vient l’intriguait. Il souhaitait la fin du spectacle.
Il dut supporter de longues minutes durant les plaisirs sophistiqués du cabaret.
Les danseuses au sourire crispé étaient en minorité orientales. Les autres, européennes sans contestation possible, avaient été droguées, enlevées Dieu seul savait où et amenées ici. Seules, sans défense, étourdies par les lumières, le brillant factice et l’argent facile à gagner, elles avaient succombé toutes. Elles cachaient sous leur fard des yeux hagards de filles terrifiées par on ne sait quoi et qui ne savent plus ce qu’elles font.
Ces belles entremetteuses brimées par leurs patrons ne savaient même plus si elles désiraient rencontrer l’émir, le cheik ou le bey qui les achèterait pour plusieurs centaines de milliers de rials et les couvrirait de parures précieuses avant de les laisser, cloîtrées pour la vie. Les jours passeraient alors à se farder, à grignoter des douceurs, à se parfumer, à changer de toilette, à attendre désespérément l’événement imprévu qui n’arriverait jamais. Le désert d’Arabie mérite son nom !
Le clou du spectacle sortit Ugo de sa somnolence lorsqu’il apparut sur la piste : la jeune Arabe ! Telle était donc la raison de sa venue au Californy’s. Elle assistait aux cours de l’Université Américaine le jour et se faisait chanteuse de cabaret la nuit. Elle avait été annoncée sous le nom de Rika.
La dénommée Rika avait subi une métamorphose profonde et, de ce fait, avait tout perdu de sa grâce naturelle. Elle était dans un accoutrement aussi provocant que celui de ses compagnes, et grimée de la tête aux pieds. Sa voix assez jolie s’abîmait dans des chansons pseudo-réalistes.
Ugo ouvrit la bouche et fit sa première remarque à Monribier depuis le début de la représentation.
— C’est la fille qui a entraîné le Libanais dans le guet-apens hier et que j’ai filée ce soir.
— Comment ! grommela le docteur, c’est elle !
— Oui.
Ugo fit une pause. Il enchaîna :
— N’avez-vous pas remarqué que des consommateurs disparaissent et réapparaissent par une porte qui se trouve à droite de la scène, lorsque nous regardons celle-ci.
— Si, j’ai bien vu cette porte, mais je n’ai pas observé le manège.
— Ces allées et venues me tracassent. J’aimerais savoir ce que cache cette porte et si l’occasion se présente, je me jette à l’eau. Vous m’attendrez ici, à moins que je ne vous appelle en renfort.
— Okay, accepta Monribier, soucieux de se conformer scrupuleusement aux directives de Valence.
Le tour de chant de Rika s’était terminé dans un tonnerre d’applaudissements. Cette fille forçait indéniablement l’admiration.
Les danseuses revenaient dans la salle en quête de clients, leur représentation terminée. Rika apparut à son tour et se dirigea vers les deux Français, mine de rien. Elle s’approcha de l’agent secret et s’assit à ses côtés :
— Bonsoir, susurra-t-elle. Avez-vous apprécié le spectacle ?
Ugo s’amusait à contempler les regards de convoitise qui s’allumaient un peu partout. Il se ressaisit.
— Very good. Vous avez été étonnante de brio, exagéra-t-il.
— Vous m’offrirez bien un peu de champagne.
Ugo décida de se lancer à corps perdu.
— Volontiers ! sourit-il.
Il commanda une seconde bouteille.
Cette fille aux yeux de jais était comme ses compagnes payée à la fin de la soirée au nombre de bouchons qu’elle rapportait. Ugo était prêt ce soir à employer tous les moyens pour la cuisiner. Elle souhaitait du champagne : le Vieux paierait la note. Rika avait indubitablement fait son choix avant d’entrer dans la salle, elle était accourue jusqu’à eux. Ou plutôt « on » lui avait choisi ses compagnons d’orgie !
Le bouchon sauta. Ils trinquèrent.
Rika se montrait très bavarde malgré une légère tendance à martyriser la langue de Shakespeare. Le contenu de ses propos n’était que futilités.
Ugo l’écoutait, faussement intéressé, les lèvres retroussées par un sourire découvrant ses dents blanches. Monribier l’imitait.
— Pas assez de variété dans les distractions, opposa Ugo sans trop savoir pourquoi, aux paroles flatteuses sur la classe du Californy’s.
Il regretta le ton catégorique sur lequel il avait parlé.
— Nous avons aussi une salle de jeu.
Ugo se raccrocha à la bouée que lui jetait Rika.
— Que ne le disiez-vous plus tôt ! Je suis un joueur passionné.
— Je n’y pensais pas.
— J’y vais, décida Ugo, déjà près de se lever. Où se trouve cette salle ?
— Attendez, articula-t-elle, seuls les habitués sont admis. Vous comprenez, le patron exige que les joueurs aient une carte. Je veux bien essayer d’arranger la chose, si… Vous y tenez vraiment ?
— Absolument ! appuya Ugo.
Rika se leva.
— Uniquement pour mon ami, expliqua Monribier au moment propice, sur le ton du vieil avare. Moi, je me sens parfaitement bien ici.
— Bien joué ! commenta Ugo.
Puis il se tut, le cerveau bouillonnant.
Il contemplait les gestes pesants des consommateurs à travers un nuage de fumée lorsque la voix chevrotante de la jeune Arabe le fit sursauter.
— Le patron est d’accord, murmura-t-elle. Vous me suivez ?
Elle glissa sa main dans la main de l’intéressé. Ils traversèrent la salle, ainsi réunis.
L’engrenage était lancé. Il fallait tourner. Ugo se laissa conduire docilement. La fameuse porte dépassée, ils débouchèrent dans un couloir. Rika l’entraîna avec douceur derrière une seconde porte. Elle avait appris à être gentille, très gentille avec les clients.
Ils se trouvèrent dans la salle de jeu, une pièce mal éclairée, empestée, animée par une dizaine de bonshommes qui s’engueulaient autour du tapis.
— Nous y voilà, annonça Rika.
La jeune fille laissa Ugo en plan et s’éloigna. Elle revint trente secondes plus tard.
— Le patron voudrait te voir au sujet de la carte, expliqua-t-elle.
Au sujet de sa carte. Ugo ne crut pas un seul instant à cette raison. Le traquenard était à peine camouflé. Tant pis ! Il fallait qu’il sache à quoi s’en tenir.
— Je suis ! accepta-t-il froidement.
Ils empruntèrent un nouveau couloir. Rika frappa trois coups contre une porte. Une voix résonna à l’intérieur, donnant l’autorisation d’entrer. Rika poussa le battant et pria Ugo d’avancer.
Un Asiatique, Japonais sûrement, retranché derrière son bureau, lisait un journal qu’il tenait droit devant lui. Il releva la tête et suivit l’entrée de l’agent secret d’un regard sans expression. Rika s’éclipsa. Le Japonais écarta lentement le journal et découvrit sa main droite qui étreignait un revolver pointé sur le nouvel arrivant.
Ugo resta de glace. L’autre le salua.
— Enchanté, Monsieur Ugo Novan.
Valence ne répondit pas. La peau lisse et tendue du Japonais se plissa. Il nargua :
— Je vous tiens.
— Vous croyez ? opposa l’intéressé.
Le Jaune apparaissait frêle dans sa stricte tenue occidentale. Ses cheveux coupés ras accentuaient la rondeur de son visage de poisson-lune. Ses oreilles, curieusement tarabiscotées étaient trop petites en comparaison du reste de la tête. Ses yeux en amande s’étirèrent, méchants.
Il quitta son siège, contourna le bureau et vint rejoindre un homme de main, planté là, immobile. Il assura le revolver dans son poing.
Réduis-moi cet individu à l’impuissance, Hideki, enjoignit-il. Je le tiens en respect.
Dans quelle galère Ugo s’était-il embarqué ? Pendant une fraction de seconde, il regretta sa témérité. Il se reprit. L’affaire se corsait et il refusait d’abdiquer sa liberté.
Un ricanement grossier de l’homme découvrit des dents encrassées par la nicotine. Le colosse s’assura d’abord que la porte était bien fermée puis sortit un rouleau de cordes tressées dissimulé sur sa poitrine.
— Les mains en l’air ! grailla le Japonais au revolver.
L’agent secret obtempéra.
Le dit Hideki s’avança et passa à la gauche de Valence. A ce moment celui-ci pivota brusquement d’un angle droit et le gratifia de sa rotule dans le bas-ventre. Surpris, l’adversaire encaissa difficilement et, lâchant la corde, se tint la partie endolorie à deux mains. Ugo fit un pas en arrière. Un simple coup d’œil suffit à lui faire comprendre qu’il avait encore le temps nécessaire pour réduire l’animal, malgré son complice qui s’approchait. Il avait les bras levés à la hauteur des épaules. Son poing gauche fendit l’air et il asséna un coup terrible sur la nuque de l’infortuné qui s’allongea sur le tapis.
Ugo pivota afin de reprendre sa position initiale et fit front au nouvel attaquant qui rugissait :
— Arrêtez ou je vous descends !
Ugo ne s’affola pas. Il ne s’affolait jamais, surtout quand l’ennemi sortait de pareilles bêtises. Il dodelina gentiment de la tête et demanda sceptique :
— Pas vrai ?
— Parfaitement !
Ugo secoua négativement la main puis affirma :
— Non, non, ne racontez pas d’histoires ! Mon personnage vous intéresse trop. N’est-ce pas ?
Il avait frappé juste. Le Japonais le zieuta d’un œil torve et resta un instant interloqué. Son acolyte se remettait peu à peu. Il était de nouveau debout et se frictionnait vigoureusement le crâne, sans pour autant cesser de soigner le second endroit meurtri de son individu.
Court intermède seulement, car l’autre, piqué à vif, avait rengainé son arme et se préparait à un deuxième assaut avec ses connaissances en karaté.
Il se mit en position. Ugo laissa faire, il était trop éloigné pour craindre quelque chose.
Le deuxième s’engagea en renfort. La résistance devenait pénible. Ugo rétablit la situation sur-le-champ : trois pas en arrière. Voilà qui était fait. Il stoppa à un mètre d’une encoignure. Ainsi il verrait venir.
Les deux énergumènes avaient accompli les trois pas avec lui. Solidement campé sur ses jambes légèrement pliées, les bras sensiblement décollés du tronc, mains ouvertes en avant du corps, Ugo patientait après la suite.
Les deux fauves le fixaient. Hideki prit l’initiative de l’attaque, ou plutôt fit semblant. Il frappa soudain du pied en braillant et jeta son bras à la volée. Ugo ne bougea pas. Il avait compris que ce geste n’était qu’une ruse, qu’il n’était destiné qu’à feinter. Malheureusement l’autre avait mal estimé les distances. Son écart s’était considérablement amenuisé. Ugo agrippa le poignet de l’adversaire d’une vive extension des bras. Il se courba, puis passant les bras au-dessus de la tête, il pivota afin de le maîtriser. Une ultime torsion en achevant son tour complet sur lui-même : Hideki accomplit une pirouette magistrale et partit mordre la poussière. Le mur mit un terme à sa folle course. Il rendit un drôle de son, son crâne. Décidément !
A peine Ugo avait-il déblayé le terrain que la deuxième ligne envahissait l’endroit. Occupé à contempler le départ précipité de Hideki, il n’évita pas un coup de tranchant de la main appuyé du petit Japonais, frais et dispos, lui, qui faisait le forcing. D’un brusque saut en arrière, Ugo s’adossa au mur. Sa jambe se détendit. L’adversaire se dégonfla comme un ballon de baudruche d’un coup de semelle dans le ventre et repartit par où il était venu. Il était refoulé. Pas pour longtemps !
Ugo fit deux pas à sa rencontre. Bouillonnant de rage, l’autre se rua sur lui avec l’énergie du dragon. Ugo estima que ce qu’il y avait de mieux pour le contrer était de faire demi-tour avec lui. Et pour cela, un simple « sutémi » ! Il agrippa le Japonais par le revers de la veste, et, lui glissant la jambe droite entre les siennes, donna un regain de vitesse à son élan. Ils basculèrent. Le pied gauche de Valence se joignit à l’opération et une bonne détente de la jambe expédia l’adversaire sur sa lancée. En pleine volée son crâne heurta durement le mur. Hideki et lui devaient être parents, leurs têtes avaient eu le même son inquiétant avec lequel Ugo commençait à se familiariser !
Ugo avait roulé sur le côté afin de ne pas rencontrer lui aussi le mur. Il se remit sur ses jambes en un coup de reins. Il subtilisa l’arme du nervi et bossela l’occiput de l’increvable Hideki qui se relevait. Un autre coup de crosse envoya le patron dans un monde peuplé d’Européens méchants et méprisables.
Ugo fit disparaître le revolver confisqué dans sa poche. Il ouvrit les portes d’un placard vide. Il glissa les bras sous les aisselles du colosse et le traîna à reculons, le bascula dedans et le plia en quatre pour pouvoir refermer les portes.
Au patron maintenant ! Le fluet Japonais l’intéressait vivement. Qu’allait-il faire de lui ? La tête tomba sur la poitrine quand Valence le releva. Rika entra.
— Qu’est-ce qui se passe ? suffoqua-t-elle, morte d’inquiétude.
Ugo ne se démonta pas.
— Vite ! Appelez mon ami, commanda-t-il, il est médecin. Le patron a eu un malaise.
Rika planta son regard dans le sien, anxieuse, nerveuse. Ugo en rajouta à son mensonge :
— Pressez-vous ! Il va y laisser sa peau.
L’accent de sincérité parut convaincre la jeune Arabe. Elle vola dans le couloir.
Valence hissa le Japonais sur l’unique chaise du bureau. Il se garda de pratiquer les gestes qui l’auraient fait revenir à lui. Il s’efforça de réparer les dégâts causés par la bagarre.
Rika rentra moins de deux minutes plus tard, essoufflée, le feu aux joues. Le docteur la suivait.
Monribier s’avança vers le Japonais avachi et saisit au passage un clin d’œil furtif de son compatriote. Après un bref examen, il argumenta :
— Il est en train de trépasser. C’est l’hôpital tout de suite.
Rika, seule, se laissait dépasser par les événements. Elle tremblait. Ugo agit avant qu’elle ne se reprenne.
— Y a-t-il une sortie discrète pour ne pas effrayer les clients ? s’enquit-il.
— Oui, oui ! bafouilla-t-elle.
— Guidez-nous.
Monribier tint le prétendu moribond sous les bras. Ugo empoigna les chevilles.
Ils descendirent quatre à quatre un escalier puis passèrent devant Rika dans un couloir. Ils se dépêchaient. Rika trottinait derrière eux.
Ils se trouvaient maintenant sur le trottoir. Il n’était plus question de s’empêtrer de la jeune Arabe. Ugo laissa choir durement le Japonais sur le pavé puis se retourna et repoussa Rika dans le couloir, l’étourdissant d’une pichenette. Il verrouilla de l’extérieur.
— Et maintenant, en vitesse à la voiture avant qu’elle ne se reprenne et ne se mette à hurler !
Les kidnappeurs flanquèrent le Japonais assommé sur la banquette arrière de l’Austin et démarrèrent en trombe.
Personne ne réagissait encore dans le night-club !
L’hôpital ? Pas question, bien sûr !
**********
Le Japonais sortait avec difficulté de sa torpeur pendant que le médecin préparait ses ustensiles. Ugo resserra d’un cran les sangles qui emprisonnaient les membres de l’adversaire, prévoyant un réveil mauvais.
Le contenu d’une ampoule fut aspiré par une seringue hypodermique. Ugo tendit le bras du Japonais et y fixa un garrot. Le serrage du lien dissipa les dernières brumes qui bouchaient le cerveau de l’Asiatique. Ses petits yeux cruels cillèrent et rencontrèrent ceux de Valence. Il voulut se libérer dans une réaction instinctive, mais sa rage fut inopérante sur le cuir qui marqua un peu plus sa chair.
Ugo lui immobilisa le bras. La fureur congestionna les traits tandis que l’aiguille pénétrait au niveau du coude.
— Voilà, c’est tout ! dit Ugo d’une voix doucereuse.
Le Japonais jouait d’impuissance, trop conscient de ce que ses ravisseurs mijotaient.
L’injection de penthotal eut un effet rapide. L’animosité de la victime s’effaça, ses muscles se relâchèrent. Les brumes reparurent, fraîches, apaisantes, et plongèrent l’individu dans une douce ivresse. Puis la nuit tomba sur son cerveau et l’enveloppa dans une atmosphère dont le calme euphorique abolissait les ressorts de sa volonté. La voix de Valence lui parvint d’un monde lointain.
— Pourquoi avez-vous commandé à un de vos hommes de nous attaquer en rase campagne le jour de mon arrivée à Beyrouth ?
— Parce que votre ami Lanson devenait trop gênant, il en savait trop. Sa méthode d’investigation était lente certes, puisqu’il ne disposait pas de collaborateur, mais elle aurait tôt ou tard porté ses fruits. J’avais décidé de le faire supprimer avant qu’il ne vous mette aussi sur notre piste.
— De nous faire supprimer, corrigea Ugo.
— Non, protesta le Japonais. Nous avons surveillé Lanson jusqu’à sa sortie de la capitale. Là, j’ai donné le champ libre à mon homme de main qui est parti seul. J’ignorais que Lanson et vous deviez vous rejoindre à la campagne.
— Vous avez raté votre coup.
L’autre ne répondit pas. On dit que les morts embellissent. Il avait la chance de respirer bel et bien. Pourtant la peau de son visage avait recouvré la fraîcheur d’une peau de jeune fille.
Ugo reprit :
— Vous avez donc mis sur pied un deuxième stratagème, astucieux celui-ci. Vous nous supprimiez avec, en plus, de fortes chances pour que notre mort paraisse naturelle. Vous avez réussi à moitié. Vous le savez ?
— Oui.
— Qui a exécuté cet ordre ?
— Le barman de l’hôtel.
— Il ne s’est tout de même pas procuré ces bacilles de tétanos seul ? Par qui les a-t-il obtenus ?
— Rika.
— Quand cela ?
— L’après-midi où Chamoun devait vous éliminer.
— Quel intérêt ? Logiquement Lanson devait mourir à ce moment même.
— Simple assurance ! Et puis, il restait vous !
Ugo se vota mentalement un blâme pour sa question. On n’avait aucune raison de lui faire des cadeaux.
— Par qui Rika avait-elle obtenu cet affreux colis ?
— Par moi.
— Le salaud, murmura Monribier qui était silencieux jusqu’alors. Il met sinistrement à profit ses connaissances.
Ugo s’enquit :
— Quels sont vos rapports avec Rika ?
— C’est mon amie.
L’agent secret continua plus durement :
— Le barman était votre exécutant ?
— Non.
— Comment ça ?
— C’était un des hommes de Diekow, objecta le Japonais.
— Diekow était lié à votre bande ?
— C’est un ennemi pour nous.
— Comment expliquez-vous qu’un de vos ennemis ait fait votre travail, opposa Ugo, rubicond. Vous avez fait parler Diekow ?
— Oui, assura calmement l’Asiatique.
— Pourtant Diekow avait réussi à s’immiscer dans le personnel de la station. Il pouvait vous rendre de grands services !
— Il était grillé. Lanson n’allait plus tarder à lui mettre la main au collet.
— Au passage, savez-vous quel subterfuge avait employé Diekow pour s’introduire dans la station ?
— Pas la moindre idée.
Ugo sortit le mouchoir qu’il avait ramassé en boule dans la poche de son pantalon et s’épongea. Il transpirait et de grosses gouttes de sueur ruisselaient le long de ses joues et le long de sa colonne vertébrale.
— Ainsi donc, vous vouliez vous assurer les secrets des recherches françaises en matière spatiale, résuma-t-il.
— Je travaille pour mon pays.
— Je sais que le Japon est un concurrent sérieux dans la course à l’espace, reconnut le Français. C’est de cette façon que vous comptez rattraper vos années de retard. Vous avez assurément des complices ?
— En Haute-Volta.
— Où ça ? suffoqua Ugo.
— A Ouagadougou.
Le Français exprima ses soupçons sur ces comparses :
— Qui espionne la station installée là-bas ?
— …
Ce qui ne le satisfaisait pas. Il attendait davantage.
— Vous êtes en rapport avec lui… ou eux. Par quel moyen ?
— Courrier postal ou poste restante.
Le Japonais commençait à s’agiter. Ses réponses se faisaient hésitantes.
— Tous les combien ?
— Toutes les semaines, j’envoie une lettre.
— Et vous en recevez aussi sûrement ?
— Oui.
— Quel en est le contenu ?
— Pas grand-chose. Signaler si les opérations se déroulent normalement, ou si au contraire des difficultés se sont présentées.
— Courrier codé ?
— Non, le message, toujours très court, est simplement rédigé en français.
Ugo stoppa le flot des questions. Une idée prenait naissance dans sa tête. Il se précisa le plan en l’espace d’un éclair. En possession des données, il questionna l’hypnotisé :
— Quand devez-vous adresser le prochain message ?
— Demain.
Ugo mit un terme à l’interrogatoire. Il en savait assez.
— Demain, je rentre à Paris, articula-t-il d’un ton solennel, à l’adresse de son compatriote.
Il rectifia en consultant sa montre :
— Ou plutôt aujourd’hui !
— Déjà ! laissa échapper le docteur.
— Oui ! Auparavant je ferai ce qui est nécessaire pur que la police libanaise mette Rika à l’ombre pour une bonne partie de sa vie de garce, ainsi que le misérable barman. Exécrable, ce type ! Je vous demanderai de transporter cet énergumène de Japonais dans un endroit où la police puisse le cueillir sans vous chercher d’ennuis. Mais pas avant que je sois monté dans l’avion pour Paris. Vous n’avez pas quelque chose qui puisse prolonger « thérapeutiquement » son sommeil ?
— Bah ! Il doit se réveiller bientôt, mais pas pour longtemps, je vous le garantis, sourit Monribier.
Il emplit de boisson la moitié d’un verre, ouvrit le placard-galerie et sortit les médicaments adéquats. Ugo suivant ses allées et venues d’un œil perplexe, il expliqua avec une pointe prétention dans la voix :
— Il dormira comme un bébé. Il est heureux que les pharmacies ne mettent pas à la disposition du public certaines associations synergiques des phénobarbitals qui transforment ces médicaments, sédatifs à faible dose, dangereusement toxiques au-delà, en des soporifiques d’action rapide, durable et relativement inoffensive. Deux éléments courants de la pharmacopée qui, mélangés dans le verre du Japonais…
Il mélangea.
— … suffiront, acheva-t-il.
— Je vais lui demander un petit travail, déclara Ugo.
Il disparut dans la cuisine et revint avec du papier, un crayon et un sous-main. Le Japonais vaseux écrivit docilement sous la dictée.
Le docteur s’approcha, le verre à la main. Ugo baissa vigoureusement la mâchoire du Japonais et Monribier lui entonna sa savante préparation.
— Quant à vous, je vous conseille de vous faire oublier un peu, dit Ugo à l’adresse de son collaborateur.
Ce dernier fit semblant de ne pas avoir entendu. Il assura :
— Je veux bien soigner ce zèbre pendant plusieurs jours. Lorsqu’il se réveillera, plutôt abruti, je lui donnerai une cuillerée à café de ce mélange.
Il agita le flacon.
— Un harmonieux mélange de chlorpromazine, diparcol, dolosal, etc., poursuivit-il. Toutes les six heures, je lui fournirai sa ration. Tant mieux si les policiers sont assez intelligents pour lui conseiller à son réveil de prendre de l’ortédrine. Il retrouvera la pleine forme.
Date de création : 17/05/2009 11:59
 
 
| REALITE A VIVRE ...
Une fessée d'amour pour Tequila Extrait n° 1 ... Et alors il me regarde. Moi aussi. Un chat, quand ça ne connaît pas, c’est méfiant ! Ici, tout est différent. Les cercles de mon engin sont de plus en plus amples. Le chat me suit des yeux. Le moteur poussé à fond fait un boucan d’enfer, l’animal ne manifeste aucune peur. Je passe près de lui, nous échangeons un coup d’œil complice, et alors j’entreprends un ultime parcours sur les bordures du jardin potager. Doucement le chat se lève, fait le gros dos, emprunte dans l’autre sens le trajet de son arrivée et s’éclipse tandis que je baisse le régime du moteur. J’avais envie de l’approcher, c’est raté. Je ne sais même pas par où il est passé. ...
...
Extrait n° 2
La touffe de poils n’a pas bougé pendant que je l’observais. J’ai alors envie de partager mes interrogations à son sujet et je vais chercher mon épouse. — Regarde ! Il y a un mois, quand je retournais le jardin… tu t’en souviens, je te l’ai raconté ! J’ai l’impression de voir le chat qui m’observait. Il a doucement levé la tête. Est-ce notre présence qui l’a alerté ? Nous nous tenons tranquilles, à plusieurs mètres de lui. Il n’a pas bougé de place. Il nous regarde, nous juge, nous jauge. Il redresse le corps et, continuant de nous fixer, il nous adresse un miaulement. Je continue : — C’est le chat qui s’est assis un moment sur une planche du jardin, près de moi, pendant que je travaillais le terrain. — Il a l’air tout jeune. — Il semble vouloir nous dire quelque chose. J’enlève sans précipitation la chaîne qui interdit l’accès au terrain après avoir déverrouillé le cadenas qui la maintient, et nous amorçons notre approche. La petite bête nous observe et nous manifeste de la méfiance. Elle se tient sur ses gardes, nous nous arrêtons. Elle va fuir si nous poursuivons vers elle.
... Extrait n° 3
Pas le moins du monde dépaysée, la minette. De toute évidence, elle vivait près de gens, avec des gens. Ce n’est pas une chatte qui court les caves, les haies, les gouttières ou les hangars agricoles pour manger et dormir. Bien sûr ! C’est gagné ! La chanson devient de plus en plus répétitive : « Mardi matin, lala , la chatte et… sont toujours chez moi pour… »… Et elle est profondément endormie, recroquevillée, dans son baldaquin de fortune. Et pour quelques heures encore ! Elle s’incruste et au fil de la journée s’insinue l’idée que nous en avons la charge, comme si elle devenait petit à petit notre propriété et que nous en aurions la responsabilité. Non, cet animal, nous voudrions bien qu’il retrouve ses maîtres ! Pour aujourd’hui la chatte ne se laisse pas encore trop approcher, encore moins toucher, et nous lui accordons le temps de s’habituer. Cependant, dès qu’elle est éveillée, elle se lèche, elle se gratte, s’égratigne, se met à vif la tête, la nuque, le cou, le dos, la queue. Son pelage est mitraillé de trous. Ce mercredi nous laisse désemparés. Il n’est pas possible d’apporter le moindre soin à notre malade. C’est à peine si au cours de la journée nous pourrons la frôler, maîtrisant nos gestes qu’elle ne doit pas interpréter comme des menaces. A suivre. ... Extrait n° 4
Courant maladroitement en
« Bonjour, c’est moi, Minette. Me revoilà. Ah ben oui, A suivre
.... Extrait n° 5 — Le pharmacien a oublié le fusil à lunettes et la seringue hypodermique. Ce n’est que de cette façon que nous parviendrons à soigner « notre félin ». Je juge sage d’attendre le lendemain pour le lait. Une noisette de crème sur la pointe de l’index et du majeur gantés. L’opération est réalisée en cachette. Pendant que la chatte mange, j’écrase avec toute la délicatesse possible l’onctueuse boule blanche sur la plaie la plus importante du dos. Elle s’est déjà esquivée. La notice pharmaceutique conseille, pour que le soin apporté ait davantage d’efficacité, de couper ou de raser les poils autour des lésions. Impensable dans le cas présent. Les applications ne donnent donc aucun résultat notable et la dermatose s’étend sur le dos mité et l’abdomen pelé. Nous avons au niveau du contact avec notre protégée obtenu un effet inverse : Minou ne veut plus manger tant que nous sommes présents et trop proches d’elle. Nous représentons maintenant une menace. Tentons le collier antipuces. L’acheter, c’est vite fait. Il reste à l’installer. Minette ne collabore pas et refuse toute approche, elle a compris que notre comportement cache quelque chose. C’est par surprise que je lui passe le collier sous le cou, saisis la pointe à l’opposé et la glisse dans le premier côté de la boucle. La bête ressent ce carcan comme un corps étranger dont elle veut se débarrasser. Elle essaie de l'ôter, glisse une patte entre l’intrus et son cou et tire avec une grande violence, mais rien n’y fait. A suivre
 
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