FICTION A SUIVRE ...
Kaboul ...Thé ! Calais ... Café ! "Un Afghan à Calais" Le récit complet en PDF (Icône : Titres complets à lire ou romans au choix) _____ ROMANS AU CHOIX
NOTRE LANGUE EN PROSE Kaboul ... Thé ! Calais ... Café !
COMME AU BON VIEUX TEMPS DES FEUILLETONS ... UGO VALENCE, Agent secret
NOTRE LANGUE EN VERS ESILELISE Esilelise
 
NOUVELLES A LIRE
NOTRE LANGUE EN PROSE Le français dans la mouise De l'Antiquité à nos jours ...
Nouvelles d'hier et de demain, et même ... d'avant-hier et d'après-demain
Une petite ville d'histoireS
La more solitere du vieus moulin NOTRE LANGUE EN VERS JUSTE UN DERNIER VERS ... ET JE FINIS MON CHEMIN Juste un dernier vers ... et je finis mon chemin
PIED A PIED
Le lézard
Un lézard
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un lézar
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un léza
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un léz
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un lé
mon Dieu
qu’il est laid et hideux
sans sa queue
Un l
qui perd la tête
ça n’a
ni queue ni tête
S.L.
Dis, Monsieur
Dis, Monsieur,
Fais-les rire
Dis, Monsieur,
Regarde leur sourire
Dis, Monsieur,
Ecoute leurs soupirs
Dis, Monsieur,
J’veux pas être sérieux
Dis, Monsieur,
Fais-en des élèves heureux
Tais-toi, mon âme,
Je suis prof.
S. L.
Oiseau de liberté Hip ! Hip ! tu sautilles-tilles Piaf sur le bord de la gouttière et tu cries ton enfant tombé à peine emplumé du nid de tiges séchées et ma main main minotaure qui l’enserre
ne crie pas si fort
Piaf
c’est pour mieux le regarder c’est pour mieux l’envier cet oiseau-enfant aux ailes de liberté.
Je dédie ce poème à l’oiseau ramassé à peine ce poème terminé
P
Pipi, pipi, pipi, Popo, popo, popo, Papa, papa, papa, Pépé, pépé, pépé,
-i-i, -i-i, -i-i, -o-o, -o-o, -o-o, -a-a, -a-a, -a-a, -é-é, -é-é, -é-é ,
Sans P la vie serait A mourir de rire.
U
Un chameau Et deux dromadaires, Ca fait trois bossus !
Une ânesse Et deux baudets Ca fait trois têtus !
Un Petit Poucet Et ses deux frères Ca fait trois perdus !
Un gros Et deux replets Ca fait trois dodus !
Une pie Et deux arondes Ca fait trois langues bien pendues !
Mais un T Et deux U Ca ne fait qu’un vieux train : TU-U !
S. L.
Fleuve Amour, bonjour
Tais-toi, Congo, T’es pas beau !
T’as la Vistule Qui se coagule
Et tu fais Mississipi dans l’Ienisseï
Ton épouse la Garonne joue l’Amazone
Avec le beau Danube Qui titube
Il croit avoir la Moskova Dans les bras
Et l’Escaut C’est pas le Pô
Enlève la chemise De la Tamise
Ah ! ce Rhin Quel maintien
Il caresse sa demoiselle La Moselle
Et perd le Nord L’Amour est le plus fort
S. L. Bonne lecture !
ME JOINDRE
NOUS SOMMES LE
|
UGO VALENCE, Agent secret - NUITS DU LIBAN chapitre 3
Nuits
Stéphane LEFEBVRE
Nuits du Liban
CHAPITRE 3
Ce soir devait avoir un déroulement inattendu.
Comme il était convenu, les deux collaborateurs s’étaient réunis après le repas dans la chambre de Lanson. Depuis longtemps ils échangeaient leurs points de vue autour de verres de whisky que Valence n’arrêtait pas de remplir. Vingt-trois heures approchaient.
Le cendrier posé sur le guéridon dégorgeait de mégots écrasés pêle-mêle. L’odeur de tabac blond empestait la pièce.
Maintes hypothèses originales avaient été envisagées et s’étaient écroulées immédiatement à l’analyse. La sagacité de l’un battait sans cesse en brèche les plans de l’autre. Ils marchaient dans un fog londonien, la cervelle brouillée comme celle d’un candidat au suicide qui ne sait pas, qui ne sait plus. Mais si dernier a raison de ne plus se tourmenter, Ugo n’envisageait pas la chose d’une manière semblable. Se rouiller entre ces quatre murs, non ! Pourtant Lanson ? Son prétexte était la fatigue. Il traînait mollement ses pantoufles de long en large de la pièce et bâillait à s’en déchirer le visage. Ses yeux ressemblaient à ceux d’un serpent à sonnette réveillé en sursaut. Plusieurs fois il fut victime du même mirage : il se voyait dans un lit moelleux, ronflant comme un ogre.
Ugo en avait décidé autrement, il reportait la flemme à une date ultérieure.
— Il est onze heures, dit-il, nous avons le temps de faire une petite excursion.
— Comment ça ? demanda Lanson avec un crachat dans la gorge.
— Vous allez filer les employés de la station dont vous avez dû relâcher la surveillance jusqu’à maintenant. Vous aiguiserez vos talents d’observateur et vous enregistrerez dans un petit coin de votre crâne tous les faits et gestes jusqu’au plus infime détail. Pour ce soir, je vous ai choisi ceux qui ont l’habitude de fréquenter les boîtes de nuit. Vous y serez au chaud, et cela vous évitera la marche fatigante ou l’attente énervante.
— Et vous ?
— Je vous emprunte votre Austin et je reprends le chemin de la station, répondit Ugo, fort de sa théorie selon laquelle les actes répréhensibles des espions ne pouvaient se produire que la nuit.
Lanson acquiesça d’un imperceptible renfrognement de la commissure des lèvres. Puis il se laissa aller dans son fauteuil et ferma les yeux.
— Le whisky ne lui réussirait-il pas ? s’interrogea Ugo.
L’agent secret s’étonna du peu de volonté de son compatriote. Le fichier était abandonné grand ouvert sur le guéridon. Lanson l’avait feuilleté et l’avait rejeté avec un mouvement de lassitude. Bah ! Un peu de difficulté à assimiler l’alcool. Ugo ne ressentait pas d’inquiétude exagérée devant l’état de son associé.
— Un peu de nerf ! lui conseilla-t-il en manière de taquinerie.
Lanson répondit par un profond soupir et ne daigna même pas entrouvrir un œil. Un sybarite au plus gros de l’effort ! La tête rentrée dans la poitrine exagérait son double menton naissant, retroussait davantage son menton en galoche et gonflait ses joues sans couleur. Le contact du dossier avait ébouriffé sa chevelure et fait des houppettes. Ses bras pendaient dans le vide, animés seulement de temps à autre d’une brusque secousse nerveuse. Le haut de sa poitrine velue apparaissait par le col entrebâillé de sa chemise. Sa cravate déliée figurait un serpent sur fond blanc.
Ugo s’en fut dans la salle de bains et se mouilla le visage de quelques centimètres cubes d’eau retenus dans le creux des mains. Puis il s’aspergea alternativement chaque bras et se les frotta. Après quoi il se sécha. Un rapide coup de peigne dans les cheveux, la cravate à rajuster, enfin il revint dans sa chambre.
Lanson trônait toujours paresseusement. Sa face avait pris la coloration du lait crémeux. Des perles de sueur jaillies de sources invisibles formaient sur son front un tapis d’eau qui scintillait à la lumière.
Ugo commença à s’inquiéter du comportement bizarre de Lanson.
— Qu’avez-vous, interrogea-t-il vivement.
— Je ne sais pas, je vous demande la permission de ne pas remplir ma mission ce soir.
Ces propos tenus par son compagnon préoccupèrent grandement Ugo. Pour qu’un homme de sa trempe fît une telle requête, il lui fallait un motif bougrement sérieux et non une crise de foie ou un mal de tête bénins. Ce n’était pas le genre d’un attaché des services secrets français devant la besogne.
— Vous ne vous sentez pas bien, réitéra Ugo, s’approchant de Lanson pour mieux l’examiner.
Il constata que ses mains étaient moites.
— Non. J’ai l’impression d’avoir le cou coincé dans un étau. Je me sens vanné, knock-out, je crois que je vais m’écrouler.
Lanson répondait aux questions les yeux fermés. Ses paupières fiévreuses tremblotaient.
Ugo se précipita dans la salle de bains, mouilla une serviette-éponge au robinet du lavabo, la tordit et revint.
Le front et la nuque de Lanson ruisselaient. Ugo promena la serviette trempée sur le visage et le cou malade qui restait immobile. L’eau froide eut l’effet d’un coup de fouet et revigora la circulation sanguine. Les joues reprirent une teinte couperosée.
Ugo alla refroidir le linge. Le front de Lanson gouttait comme une véritable fontaine.
— C’est le comble pour un représentant en produits pharmaceutiques, se dit Ugo. Pas un seul médicament à lui administrer.
Ugo jeta sur une chaise le torchon inutile, puis ordonna :
— Essayez de vous mettre debout.
— Je ne peux pas, je ne peux pas. Je n’ai plus de force, pleurnicha l’autre, comme un enfant malingre.
Le tableau finissait par être agaçant. C’était une véritable loque qui se tassait dans ce fauteuil. Lanson ne prétendait plus bouger ne fût-ce que le petit doigt !
Ugo ne pouvait plus lésiner.
— Ecoutez ? dit-il. Nous allons essayer de ne pas attirer l’attention sur nous dans cet hôtel. Vous m’avez dit qu’il y avait un autre agent français à Beyrouth.
— Voui.
— Alors je vais vous conduire auprès de lui. Il est docteur, il vous soignera. Comment s’appelle-t-il ?
— Monribier.
— Dans quel quartier habite-t-il ?
Le malade balbutia, bava un nom de rue. Il aurait été inconcevable de lui faire répéter l’adresse, ses paroles devenaient franchement inintelligibles.
L’agent secret s’énervait. Qu’est-ce que son collaborateur pouvait bien avoir pour être pareillement lessivé ?
Et il lui fallait encore chercher le chemin de chez Monribier sur le guide. Et où était-il encore enfoui, ce guide de Beyrouth ? Enfin. Dans un tiroir de la commode, sur le linge de corps de Lanson.
Ugo éplucha du regard la page « Liste des rues par ordre alphabétique et références », il localisa sur le plan celle qui l’intéressait. Puis il enregistra mentalement les noms des rues à emprunter et des places à traverser pour l’atteindre.
Et maintenant, sortir Lanson de l’hôtel. La corvée ! Un instant l’idée de l’abandonner à son triste sort lui hanta l’esprit, il la rejeta bien loin comme une lâche qu’elle était.
— Allons, debout, dit Ugo d’un ton neutre. Faites un effort.
Lanson fut debout après un effort de titan et avec l’aide de son compagnon valide. Ses jambes flageolaient. Ugo lui entoura la taille du bras droit tandis que de l’autre, il levait le gauche du malade, se le passait autour du cou et récupérait la main qui pendait. Ce fut le départ de la longue marche.
Ugo entrebâilla la porte. Le couloir était désert. Ils sortirent.
Lanson progressait à pas lents mais réguliers et sans défaillance. Cela représentait déjà un avantage inestimable. Sinon Ugo aurait été forcé de se le charger sur le dos comme un vulgaire sac.
L’ascenseur était libre. Un gain de temps précieux et une descente discrète !
Le hall d’entrée était fortement éclairé mais tout aussi désert. Quelques mètres, quelques secondes, et ils se trouvèrent dans la demi-obscurité qui baignait la rue.
— Ouf, soupira Ugo en posant le pied sur le trottoir, personne ne nous a vus.
Cinquante mètres les séparaient de l’Austin 1800. Ugo prodiguait ses encouragements avec ferveur. Le souffle de Lanson se transformait en un gémissement sempiternel. Finalement Ugo glissa son bras sous les cuisses de son ami et l’emporta, comme le père relève son fils qui s’est blessé en chutant. Il le déposa sur le siège avant.
Le plan des rues défilait aussi vite dans les méninges de Valence que l’Austin dévorait l’asphalte tiédi de la nuit.
Le docteur habitait dans la banlieue de Beyrouth, non loin de la misérable cité des « tanakes » que fondèrent les premiers immigrants arméniens. C’était un homme d’un dévouement sans limite, infatigable et acharné au travail. Etudiant à Paris, il avait été stupéfait d’apprendre par les livres les réalités parfois misérables qui se cachaient derrière l’écran somptueux de la capitale orientale. Muni de ses diplômes, il avait choisi de mettre ses connaissances au service de ces villages aussi pauvres et abandonnés qu’ils étaient au Moyen Age.
Ugo atteignit la périphérie. Peu de gens déambulaient dans les rues. Seuls, plusieurs gosses se battaient dans le ruisseau, peut-être pour un fruit déjà pourri. Des baraques solides s’étouffaient de chaque côté d’une rue pestilentielle. L’eau d’un orage qui grondait encore au loin sur la mer s’y ruait et la serpentait d’un ruisseau qui éclaboussait l’Austin lorsque les pneus mordaient la rigole.
Près de son soutien, Lanson râlait, la tête rejetée en arrière. Le trajet commençait à paraître long au chauffeur.
Au tournant d’une ruelle, une bâtisse en dur, plus imposante, plus européenne que les cagibis précédents, apparut dans les phares. Ils étaient arrivés.
Les roues de la berline anglaise s’agrippèrent à la chaussée comme freinées par des rétrofusées.
Un bond et Ugo cognait le battant de la porte. Il s’arrêta un instant et reprit ses coups. Une fenêtre s’ouvrit dans le quartier.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda une tête qui se penchait par l’ouverture.
— Un malade grave ! Pressez-vous, s’il vous plaît.
— Je descends tout de suite.
Ugo ouvrit la porte et se pencha pour regarder Lanson. Sa tête était retombée en avant sous l’effet du freinage brutal. Pourvu que le docteur soit rapide. Il risquait de prendre froid ainsi trempé, et alors, adieu guérison.
Un gaillard aux allures d’athlète s’avançait.
— Docteur Monribier ? s’enquit Ugo.
— Oui.
— Un malade ! lâcha l’agent secret, laconique.
Ugo glissa les bras sous ses aisselles et le tira hors de la voiture.
— Lanson ! laissa échapper Monribier en se baissant pour saisir le malade par les pieds. Son regard inquisiteur se planta dans le regard de Valence.
— C’est lui, en effet. Et je suis un de ses compatriotes, répliqua ce dernier. Je vous expliquerai à l’intérieur. Emmenons-le.
Les deux hommes traînèrent Lanson à moitié abruti jusque dans la salle d’opération.
Lanson s’écrasa sur la table comme un foie sur l’étal d’un boucher.
Monribier alluma le scialytique puis se dirigea vers le placard-galerie bondé.
— Comment se fait-il que vous soyez avec Lanson ? interrogea-t-il tout en manipulant les bocaux et les flacons bien rangés et proprement étiquetés, cherchant le médicament adéquat.
— Vous travaillez pour les services secrets français ? s’enquit Ugo.
L’autre ne répondit pas, attendant la suite pour se confier. Devant ce silence embarrassé, Ugo comprit qu’il avait commencé de manière ambiguë et poursuivit ses explications.
— Lanson y collabore aussi. Il a, depuis un certain temps, signalé au Vieux des fuites dans les travaux des stations de contrôle des futurs satellites, ici. Et je suis précisément envoyé par Paris pour mettre fin à ces tricheries de l’ennemi.
Le docteur se contenta de hocher la tête aux éclaircissements de l’agent secret. Il se frotta les yeux embués de sommeil, puis il lut l’étiquette d’un dernier flacon, referma le placard et s’approcha de la table à pansements.
— Qu’est-ce qui l’a fichu dans un tel état d’anéantissement ?
— Je donnerai cher pour le savoir.
— Son aspect laisse prévoir une maladie grave, chuchota-t-il afin de préparer Ugo à encaisser pire.
— Cette soirée mouvementée m’a donné chaud, dit ce dernier. N’avez-vous pas quelque chose qui puisse me désaltérer ?
— Si ! La porte à côté.
Monribier tâtait de ses doigts experts le cou de Lanson. La pression exercée sur les muscles provoquait d’affreuses grimaces de douleur chez le malade.
— Je vous laisse avec ce pauvre, répliqua Ugo après l’indication du praticien, sans remercier.
Et il gagna la cuisine.
Ugo prit, dans le buffet encombré de nourriture et de liqueurs, une bouteille d’arak et se versa un fond de verre d’alcool anisé qu’il additionna d’eau fraîche. Il s’adossa au meuble et but à petites gorgées.
Que de déconvenues depuis ces dernières heures. Il avait, à son arrivée au Liban, mésestimé l’utilité de ce second collaborateur et il était maintenant chez lui, priant pour qu’il guérisse un auxiliaire indispensable. Voilà que la guigne se mettait de la partie et se jouait d’eux après qu’il y ait eu un dieu pour eux, l’après-midi même. Perdre un compagnon cassé en deux dans l’enfer d’une fusillade, passe, dans le métier ! Mais devoir se passer de lui parce qu’il est cloué sur un lit par la maladie, avouez que c’est vraiment trop bête !
Ugo perçut un cri venant de l’autre côté de la porte qui s’enraya en un râle interminable. Sans doute Monribier massait-il ou frictionnait-il son patient avec une énergie toute professionnelle !
A intervalles réguliers, le docteur venait dans la cuisine chercher le matériel qu’il avait déballé de sa trousse sur la table au milieu des débris du repas. Il s’en retournait sans mot dire, fronçant ses sourcils broussailleux. Ses tempes blanchies par sa rage à servir l’humanité se mouillaient.
Une dernière fois, il passa dans la cuisine et s’empara d’un paquet de coton hydrophile dans un petit placard. Il esquissa, en se retournant, une moue dubitative à l’adresse de Valence.
L’agent secret s’était versé un second rafraîchissement. Il le vida d’un trait. Tout en s’essuyant les lèvres d’un revers de main, il se dirigea vers la porte de la salle d’opération. Il tendit la main vers la poignée, mais le battant s’écarta avant qu’il ne l’eût atteinte. Les deux hommes faillirent se heurter en se présentant simultanément dans l’entrebâillement.
Posant le plat de la main sur la poitrine de son vis-à-vis, le docteur le repoussa dans la cuisine, puis il rabattit la porte derrière lui en s’assurant qu’elle était complètement close.
— Alors, docteur, questionna l’agent secret, inquiet de savoir.
— Inimaginable, je me trouve devant un cas de tétanos à évolution foudroyante.
— De tétanos ! répéta Ugo. Et où se trouve la plaie ?
— C’est justement là qu’est le mystère, je n’ai pas relevé la plus petite plaie sur tout le corps.
— Il est pourtant indispensable qu’il y ait une plaie ?
— Indispensable. Où situer sans cela l’infection tétanique ? L’origine de ce tétanos m’échappe totalement.
Ugo se laissa aller sur une chaise. Décidément les événements prenaient une tournure dramatique. Un cas de tétanos qui ne devait son existence qu’à un mauvais démon. C’était inconcevable ! Ugo se tenait la tête entre les mains. Son regard planait sur le carrelage de la cuisine mais ne le voyait pas. Il s’embrumait avant d’atteindre le sol. L’agent secret se remémorait le Satan de son enfance que son catéchisme représentait avec une face hideuse et des doigts crochus.
— Tétanos à évolution foudroyante, reprit-il, comme l’écho qui vous revient, renvoyé par la paroi montagneuse.
— Je ne lui donne malheureusement plus que quelques heures, confirma Monribier. Je ne puis rien. Sinon… calmer la souffrance.
L’agent secret releva la tête et riva son regard sur les lèvres du praticien qui tremblotaient convulsivement.
— Il n’a donc contracté cette infection que depuis peu ? demanda-t-il.
— Aujourd’hui même.
— Bon de bon sang. Depuis ce matin il est en ma compagnie, il devrait y avoir de fortes raisons pour que je sois aussi mal en point que lui. Ce cas de tétanos est louche.
— Je crois que quelque chose nous échappe à tous deux, maugréa Monribier pour appuyer les soupçons de son compatriote.
L’image du diable revenait à l’esprit de Valence. Non ! Cette fois-ci, il était bien vivant, fait de chair et d’os, avec les cornes et la queue en moins.
De l’autre côté, Lanson se racla bruyamment la gorge.
— Nom de…, lâcha Ugo, se dressant d’une détente soudaine. Il n’acheva pas le juron qui avait commencé de fuser.
Le docteur le regarda avec des yeux ronds tandis que Valence manœuvrait déjà la poignée de sortie, alors que lui se préparait un verre d’arak.
— Docteur, continua l’agent secret à son adresse, surveillez l’évolution de la maladie. Atténuez les douleurs. Dans une demi-heure je suis de retour. J’ai ma petite idée qui me turlupine.
Et il claqua la porte.
L’Austin 1800 démarra dans un ronflement de moteur assourdissant.
Ugo conduisait à une allure folle à travers les rues de Beyrouth. Il respectait quand même les règles élémentaires de prudence.
Il consulta sa montre d’un coup d’œil rapide et constata qu’il était une heure du matin. La circulation était considérablement affaiblie à cette heure de la nuit. Seuls les quartiers américanisés déversaient sur le trottoir le flot des nostalgiques qui quittaient les boîtes de nuit.
Une envie brûlante d’étayer au plus tôt de preuves l’idée qui lui germait dans l’esprit poussait Ugo à forcer l’allure. L’Austin fonçait.
La Place des Martyrs dépassée, Ugo relança la voiture. Finalement il la rangea sans ménagement à une cinquantaine de mètres de son hôtel. Il descendit et se dirigea vers son entrée, l’air dégagé.
Ugo s’arrêta devant la porte de la chambre de Lanson. Afin de ne pas déranger les pensionnaires de l’hôtel à cette heure, il était monté par l’escalier de service. Heureusement il n’avait vu ni rencontré personne.
Ugo déverrouilla discrètement et pénétra à l’intérieur. A la manière d’un robot qui marche droit vers son but, il se dirigea vers la salle de bains. La brosse à dents était tombée dans la cuvette du lavabo. Ugo la souleva du bout des doigts, revint dans la chambre et l’entortilla dans un sac de papier imprimé de publicité, puis glissa le paquet dans sa poche.
Le fichier délaissé par son compatriote était resté étalé sur le guéridon. Ugo ramassa ce document compromettant tandis qu’il était dans la place et le dissimula sous sa veste. Mieux valait ne pas se risquer trop fréquemment dans cette chambre. Il sortit et verrouilla.
Maintenant il se trouvait dans sa chambre. Toujours le même petit objet qui l’intéressait : la brosse à dents. Ugo l’empaqueta séparément.
Ugo fit un tour d’horizon. Il repéra sa valise et y enferma le dossier à clé.
Il quitta l’hôtel incognito.
Le sommeil lui rabattait les paupières malgré sa vigilance. Ugo aurait mieux aimé dormir à poings fermés à l’image de la ville entière. Cependant il n’avait pas encore le droit de se laisser dominer par Morphée.
Le retour chez le docteur s’effectua à l’allure d’un avion supersonique. Ugo le retrouva qui jouait aux fléchettes avec Lanson sur la partie la plus sensible de son individu.
— J’ai tenté la piqûre, souffla Monribier d’une voix sans timbre en s’approchant de l’agent secret. Elle lui fera du bien et calmera son agitation.
Ugo opina du chef pour signifier son accord.
— Qu’aviez-vous derrière la tête ? poursuivit-il avec un sourire mêlé d’ironie. Vous êtes parti précipitamment sans vous expliquer.
Ugo ne rétorqua mot. Il sortit les deux paquets de sa poche, déchira le papier et lui tendit les brosses à dents.
D’un ton sûr de lui il commanda au docteur :
— Examinez un peu les dépôts qui sont restés sur ces deux brosses. J’attends avec impatience le résultat de votre analyse. Il me semble…
Ugo ne termina pas sans lui faire part de ses présomptions. Le docteur voulait lui aussi en avoir le cœur net, il s’était enfermé dans son laboratoire.
L’agent secret s’approcha de Lanson et contempla le faciès cadavérique de son compatriote. Il respirait à grand-peine, avec un râle dans la gorge qui se métamorphosait à chaque expiration en un long sifflement des narines qui allait en se mourant. Il ne restait du personnage courtaud et large d’épaules qu’un semblant d’être humain. La ride du mourant ne s’effaçait plus de son front. Sa poitrine soulevait avec des frissonnements de cheval malade le drap qui la couvrait.
Ugo comptait le nombre de flacons dispersés sur la table à pansements. Huit ! Apparemment cet afflux de médicaments n’avait eu aucun effet bénéfique sur l’état du malade.
Enfin la porte du laboratoire s’entrouvrit. Le docteur apparut. Il s’immobilisa entre le chambranle et le battant. Il offrait tous les signes extérieurs de l’abrutissement intégral. Ugo l’interrogea de la pointe du menton.
— Venez dans mon laboratoire ! demanda Monribier.
Ugo contourna la table d’opération sur laquelle était allongé Lanson et s’avança.
— Vous avez raison, confirma Monribier quand ils furent seuls. L’analyse microscopique m’a révélé que les crins des brosses à dents fourmillaient de bactéries de tétanos.
— J’y pensais. Lanson s’est nettoyé les dents lorsque nous sommes rentrés à notre hôtel vers cinq heures de l’après-midi. Nous étions dans sa chambre et je n’avais pas ma brosse à dents sous la main. C’est peut-être l’unique raison pour laquelle je ne suis pas étalé près de lui.
— Jetez un coup d’œil dans ce microscope.
Ugo se pencha sur l’oculaire. L’image du foisonnement de bacilles anaérobies donnée par l’objectif était littéralement stupéfiante.
— Cauchemardesque ! assura Ugo en se relevant.
— Comme neuf personnes sur dix ont toujours une écorchure ou une inflammation à vif dans la bouche, soit sur une gencive, soit sur le palais, soit sur une muqueuse, les bacilles avaient neuf chances sur dix d’infecter l’irritation. Lanson est indéniablement la victime d’une manœuvre criminelle.
— Le travail est proprement fait, marmonna Ugo, énervé par tant de ruses de la part d’un adversaire fantôme. Et tellement bien fait que l’assassin a failli réussir à ne pas éveiller les soupçons. Je suis obligé de lui tirer ma révérence pour ses qualités d’exécution.
— Sans vous, j’aurais conclu à la mort naturelle, assura le docteur, reconnaissant avoir été victime de la duperie.
— Croyez-vous avoir une chance de le sauver ? s’enquit Ugo.
— Grand Dieu… non ! laissa tomber Monribier après avoir hésité une fraction de seconde à lâcher le mot. Je crains le pire d’un instant à l’autre. Il est irrémédiablement condamné.
Pas la peine de perdre son temps en éloges inutiles, pensait Ugo, ce n’est qu’un bla-bla-bla mal venu. Les oraisons funèbres sont toujours le régal des lécheurs, le triomphe de l’hypocrisie. A quoi bon user sa salive à rabâcher les qualités de collaborateur de Lanson et se rappeler ses exploits en les enjolivant, avec une modestie surfaite. Et puis, son cœur battait encore ! Pour l’instant il s’agissait de se sortir du pétrin. Ugo l’expliqua à son compatriote :
— Nous ferions mieux de transporter Lanson à son appartement. Il mourra là-bas. Ici son cadavre serait gênant pour vous. Chez lui, si la police arrive, elle mettra un certain temps avant de s’apercevoir que la mort n’est pas naturelle. Je parle crûment, je le sais, cela m’embarrasse, et vous peut-être, surtout lorsqu’il s’agit d’un collègue, mais j’estime que la chose est indispensable.
— Je le pense aussi, répliqua le docteur.
— Mais nous risquons de nous faire coincer à le transporter dans cet état si une patrouille de police nous intercepte. Les policiers veulent toujours un tas de précisions.
— Je dispose d’une ambulance qui sera à la fois plus voyante mais également plus officielle.
— Dans ce cas, dit Ugo, si Dame Chance veut nous venir en aide, et avec un minimum de précautions, le transport est faisable.
— Rhabillez-le pendant que je cours chercher un brancard, ordonna le docteur.
Ugo revint dans la salle d’opération.
On eût cru que Lanson avait entendu les dernières paroles de Monribier. Ses lèvres tremblèrent. Il émit une suite de sons parmi lesquels Ugo pensa entendre le mot « hôpital ». Il demandait sans doute à ne pas être conduit à l’hôpital.
Ugo resta muet. En le soulevant doucement par les épaules, il lui enfila son maillot de corps, sa chemise qu’il boutonna, ajusta sa cravate, et lui glissa les bras dans les manches de sa veste.
Ils le placèrent sur la civière apportée par Monribier. Lanson poussait des grognements quasi inconscients.
Le docteur passait devant pour indiquer le chemin. Ils sortirent. La nuit était claire, le ciel d’un bleu magnifique. Les arbres du jardin qu’ils traversaient y dessinaient des bouquets d’ombres autour desquels les étoiles jaillissaient comme des étincelles. L’orage avait rafraîchi l’atmosphère.
Lanson fut convenablement installé dans l’ambulance et Ugo se glissa près de Monribier tandis que celui-ci actionnait le démarreur.
La voiture s’avança lentement dans l’allée qui conduisait à la rue. Une nuée de moustiques s’agitait dans le faisceau lumineux des phares.
Ugo commençait à connaître le chemin. La ville semblait cette fois-ci complètement inhabitée.
Les deux hommes suivaient l’agonie de leur compatriote la bouche cousue par la fatalité et l’impuissance. Fréquemment Ugo se retournait pour le surveiller. L’écœurement devant le tableau le prenait à son tour à la gorge.
Soudain Lanson aspira une bouffée d’air avec un renâclement de cheval puis ouvrit la bouche avec le geste désespéré de l’homme qui se noie. Ce fut son dernier mouvement, un ultime sursaut pour s’arracher à la mort.
— C’est fini, susurra pensivement le docteur.
— Vous êtes sûr ? questionna sur-le-champ Ugo qui ne voulait pas y croire.
— Oui, c’est fini. Un trismus lui a paralysé les muscles du cou et a provoqué l’étouffement.
Sur la Place des Martyrs, Monribier changea de la direction habituelle.
— Pressons, intima Ugo. Nous voilà dans de beaux draps pour nous promener sur le trottoir et gravir un immeuble avec un mort.
Dix minutes plus tard, l’ambulance stoppait dans le parking du building dans un silence de mosquée.
Le transport du corps se fit sans souci des allées et venues possibles de noctambules. Seule règle : faire vrai.
Une fois dans l’appartement, ils basculèrent le corps sur le lit et le couchèrent sur le dos. Ils lui enlevèrent les chaussures en évitant de laisser leurs empreintes. Ils ne touchèrent à rien de la disposition des lieux et s’éloignèrent.
Trois quarts d’heure après, Ugo était au volant de l’Austin 1800 en direction de l’hôtel. Le cadran lumineux de sa montre indiquait trois heures et demie du matin.
Ses yeux brûlaient de sommeil. Il avait une envie folle de se glisser dans ses draps. Il avait refusé l’hospitalité que le docteur Monribier lui offrait, voulant rester dans l’esprit du personnel de l’hôtel le représentant en produits pharmaceutiques anodin et sans histoires.
Des réflexions sérieuses lui tenaillaient la matière grise. Il était mis à l’index par l’ennemi et la chasse à l’homme allait continuer. Misère de misère ! Il était la cible.
Date de création : 01/05/2009 16:29
 
 
| REALITE A VIVRE ...
Une fessée d'amour pour Tequila Extrait n° 1 ... Et alors il me regarde. Moi aussi. Un chat, quand ça ne connaît pas, c’est méfiant ! Ici, tout est différent. Les cercles de mon engin sont de plus en plus amples. Le chat me suit des yeux. Le moteur poussé à fond fait un boucan d’enfer, l’animal ne manifeste aucune peur. Je passe près de lui, nous échangeons un coup d’œil complice, et alors j’entreprends un ultime parcours sur les bordures du jardin potager. Doucement le chat se lève, fait le gros dos, emprunte dans l’autre sens le trajet de son arrivée et s’éclipse tandis que je baisse le régime du moteur. J’avais envie de l’approcher, c’est raté. Je ne sais même pas par où il est passé. ...
...
Extrait n° 2
La touffe de poils n’a pas bougé pendant que je l’observais. J’ai alors envie de partager mes interrogations à son sujet et je vais chercher mon épouse. — Regarde ! Il y a un mois, quand je retournais le jardin… tu t’en souviens, je te l’ai raconté ! J’ai l’impression de voir le chat qui m’observait. Il a doucement levé la tête. Est-ce notre présence qui l’a alerté ? Nous nous tenons tranquilles, à plusieurs mètres de lui. Il n’a pas bougé de place. Il nous regarde, nous juge, nous jauge. Il redresse le corps et, continuant de nous fixer, il nous adresse un miaulement. Je continue : — C’est le chat qui s’est assis un moment sur une planche du jardin, près de moi, pendant que je travaillais le terrain. — Il a l’air tout jeune. — Il semble vouloir nous dire quelque chose. J’enlève sans précipitation la chaîne qui interdit l’accès au terrain après avoir déverrouillé le cadenas qui la maintient, et nous amorçons notre approche. La petite bête nous observe et nous manifeste de la méfiance. Elle se tient sur ses gardes, nous nous arrêtons. Elle va fuir si nous poursuivons vers elle.
... Extrait n° 3
Pas le moins du monde dépaysée, la minette. De toute évidence, elle vivait près de gens, avec des gens. Ce n’est pas une chatte qui court les caves, les haies, les gouttières ou les hangars agricoles pour manger et dormir. Bien sûr ! C’est gagné ! La chanson devient de plus en plus répétitive : « Mardi matin, lala , la chatte et… sont toujours chez moi pour… »… Et elle est profondément endormie, recroquevillée, dans son baldaquin de fortune. Et pour quelques heures encore ! Elle s’incruste et au fil de la journée s’insinue l’idée que nous en avons la charge, comme si elle devenait petit à petit notre propriété et que nous en aurions la responsabilité. Non, cet animal, nous voudrions bien qu’il retrouve ses maîtres ! Pour aujourd’hui la chatte ne se laisse pas encore trop approcher, encore moins toucher, et nous lui accordons le temps de s’habituer. Cependant, dès qu’elle est éveillée, elle se lèche, elle se gratte, s’égratigne, se met à vif la tête, la nuque, le cou, le dos, la queue. Son pelage est mitraillé de trous. Ce mercredi nous laisse désemparés. Il n’est pas possible d’apporter le moindre soin à notre malade. C’est à peine si au cours de la journée nous pourrons la frôler, maîtrisant nos gestes qu’elle ne doit pas interpréter comme des menaces. A suivre. ... Extrait n° 4
Courant maladroitement en
« Bonjour, c’est moi, Minette. Me revoilà. Ah ben oui, A suivre
.... Extrait n° 5 — Le pharmacien a oublié le fusil à lunettes et la seringue hypodermique. Ce n’est que de cette façon que nous parviendrons à soigner « notre félin ». Je juge sage d’attendre le lendemain pour le lait. Une noisette de crème sur la pointe de l’index et du majeur gantés. L’opération est réalisée en cachette. Pendant que la chatte mange, j’écrase avec toute la délicatesse possible l’onctueuse boule blanche sur la plaie la plus importante du dos. Elle s’est déjà esquivée. La notice pharmaceutique conseille, pour que le soin apporté ait davantage d’efficacité, de couper ou de raser les poils autour des lésions. Impensable dans le cas présent. Les applications ne donnent donc aucun résultat notable et la dermatose s’étend sur le dos mité et l’abdomen pelé. Nous avons au niveau du contact avec notre protégée obtenu un effet inverse : Minou ne veut plus manger tant que nous sommes présents et trop proches d’elle. Nous représentons maintenant une menace. Tentons le collier antipuces. L’acheter, c’est vite fait. Il reste à l’installer. Minette ne collabore pas et refuse toute approche, elle a compris que notre comportement cache quelque chose. C’est par surprise que je lui passe le collier sous le cou, saisis la pointe à l’opposé et la glisse dans le premier côté de la boucle. La bête ressent ce carcan comme un corps étranger dont elle veut se débarrasser. Elle essaie de l'ôter, glisse une patte entre l’intrus et son cou et tire avec une grande violence, mais rien n’y fait. A suivre
 
|