FICTION A SUIVRE ...
Kaboul ...Thé ! Calais ... Café ! "Un Afghan à Calais" Le récit complet en PDF (Icône : Titres complets à lire ou romans au choix) _____ ROMANS AU CHOIX
NOTRE LANGUE EN PROSE Kaboul ... Thé ! Calais ... Café !
COMME AU BON VIEUX TEMPS DES FEUILLETONS ... UGO VALENCE, Agent secret
NOTRE LANGUE EN VERS ESILELISE Esilelise
 
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NOTRE LANGUE EN PROSE Le français dans la mouise De l'Antiquité à nos jours ...
Nouvelles d'hier et de demain, et même ... d'avant-hier et d'après-demain
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La more solitere du vieus moulin NOTRE LANGUE EN VERS JUSTE UN DERNIER VERS ... ET JE FINIS MON CHEMIN Juste un dernier vers ... et je finis mon chemin
PIED A PIED
Le lézard
Un lézard
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un lézar
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un léza
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un léz
dort au soleil
et perd
un petit bout de queue
Un lé
mon Dieu
qu’il est laid et hideux
sans sa queue
Un l
qui perd la tête
ça n’a
ni queue ni tête
S.L.
Dis, Monsieur
Dis, Monsieur,
Fais-les rire
Dis, Monsieur,
Regarde leur sourire
Dis, Monsieur,
Ecoute leurs soupirs
Dis, Monsieur,
J’veux pas être sérieux
Dis, Monsieur,
Fais-en des élèves heureux
Tais-toi, mon âme,
Je suis prof.
S. L.
Oiseau de liberté Hip ! Hip ! tu sautilles-tilles Piaf sur le bord de la gouttière et tu cries ton enfant tombé à peine emplumé du nid de tiges séchées et ma main main minotaure qui l’enserre
ne crie pas si fort
Piaf
c’est pour mieux le regarder c’est pour mieux l’envier cet oiseau-enfant aux ailes de liberté.
Je dédie ce poème à l’oiseau ramassé à peine ce poème terminé
P
Pipi, pipi, pipi, Popo, popo, popo, Papa, papa, papa, Pépé, pépé, pépé,
-i-i, -i-i, -i-i, -o-o, -o-o, -o-o, -a-a, -a-a, -a-a, -é-é, -é-é, -é-é ,
Sans P la vie serait A mourir de rire.
U
Un chameau Et deux dromadaires, Ca fait trois bossus !
Une ânesse Et deux baudets Ca fait trois têtus !
Un Petit Poucet Et ses deux frères Ca fait trois perdus !
Un gros Et deux replets Ca fait trois dodus !
Une pie Et deux arondes Ca fait trois langues bien pendues !
Mais un T Et deux U Ca ne fait qu’un vieux train : TU-U !
S. L.
Fleuve Amour, bonjour
Tais-toi, Congo, T’es pas beau !
T’as la Vistule Qui se coagule
Et tu fais Mississipi dans l’Ienisseï
Ton épouse la Garonne joue l’Amazone
Avec le beau Danube Qui titube
Il croit avoir la Moskova Dans les bras
Et l’Escaut C’est pas le Pô
Enlève la chemise De la Tamise
Ah ! ce Rhin Quel maintien
Il caresse sa demoiselle La Moselle
Et perd le Nord L’Amour est le plus fort
S. L. Bonne lecture !
ME JOINDRE
NOUS SOMMES LE
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UGO VALENCE, Agent secret - NUITS DU LIBAN chapitre 2
Nuits
Stéphane LEFEBVRE
Nuits du Liban
CHAPITRE 2
— Accrochez vos ceintures, nous allons atterrir, commanda une ravissante hôtesse de l’air.
Quelques instants plus tard, le « Comet » « Middle East Airlines » se posait en douceur sur la piste de l’aéroport de Beyrouth : Khaldé.
Tandis que les bâtiments s’effaçaient avec de moins en moins de rapidité derrière le hublot, Ugo avança d’un geste automatique sa montre-bracelet d’une heure.
La mallette qui regorgeait de prospectus de produits pharmaceutiques fut convaincante. Les traditionnelles inspections de douane terminées, le pseudo Ugo Novan sortit et héla un taxi.
Bientôt il pénétrait au cœur de Beyrouth, cette ville ultramoderne avec ses buildings, ses gratte-ciel magnifiques qui s’élèvent le long de la place Saint-Georges. Les rues étaient encombrées de voitures américaines. La féerie de l’éclairage des magasins et les gigantesques enseignes multicolores des cabarets faisaient imaginer un décor de fables pour seigneurs arabes.
La nuit était tombée. La lune juchée haut dans le ciel esquissait sur cette toile le tracé d’un paysage d’une autre planète. Plus loin la mer ondulait avec des reflets d’argent et des bateaux de plaisance se laissaient dorloter.
Ugo n’avait guère le temps de se laisser aller à des élans romantiques. Les occupations professionnelles qui l'amenaient s’y opposaient rigoureusement.
Contrairement à sa façon d’agir habituelle – s’assurer une chambre soigneusement agencée dans un hôtel confortable – il décida de se mettre d’abord en quête d’une voiture à louer.
Ugo remarqua un garage. Il se fit descendre et régla la note.
Le choix était restreint. Finalement Ugo opta pour une Ford relativement bien conservée et surtout qui paraissait la plus susceptible de résister aux coups durs si courants dans le métier.
Une petite idée faisait son chemin dans son esprit. Au volant de sa chignole, Ugo prit la direction de chez Lanson. Les « Instructions détaillées » qu’il avait potassées durant le trajet indiquaient son adresse et précisaient que l’agent français était officiellement employé dans une agence de tourisme.
Ugo rangea la Ford dans le parking d’un building d’architecture impeccable. Une dernière précaution avant de quitter la voiture : il déchira ses « Instructions » en menus morceaux et ficela le tout dans un chiffon. Puis il jeta le paquet dans une bouche d’égout.
Lanson habitait un appartement situé au second étage. De la lumière filtrait sous la porte. Ugo appela en frappant plusieurs fois sur le battant.
Un personnage courtaud apparut et posta ses épaules d’haltérophile dans l’encadrement. C’était la même bouille que représentait la photo que possédait Ugo : un écartement des yeux supérieur à la normale, un menton en galoche, le nez droit et court et des cheveux noirs convenablement gominés et peignés.
— Monsieur Jean Lanson, demanda Ugo Valence, alias Ugo Novan, en anglais pour plus de sécurité.
— C’est moi-même, affirma l’autre dans la même langue.
— Je suis le Parigot qu’on vous envoie, reprit Ugo Valence à voix basse, en français cette fois.
Le mot de passe, simpliste il faut le reconnaître, suffit. L’homme se rasséréna. Il invita Ugo à entrer et verrouilla derrière lui.
— Je suis content de recevoir le renfort d’un spécialiste, déclara Lanson. Vous avez été mis au courant de l’affaire, moi je perds les pédales, je l’avoue. … Mais vous n’êtes à Beyrouth que depuis peu ? continua-t-il en entraînant Ugo à sa suite.
— Oui.
Ils traversèrent un petit bureau sobre aux murs ornés de photos vantant les charmes des filles des boîtes de nuit. La seule publicité efficace. Ils pénétrèrent ensuite dans un salon spacieux et meublé avec une recherche et un bon goût louables pour un célibataire.
— Vous prendrez bien quelque chose, Monsieur…
— Ugo Novan, indiqua celui-ci.
— Whisky ?
— Volontiers.
Lanson disparut dans la pièce contiguë au salon. Ugo entendit des bouteilles s’entrechoquer. Lanson revint la minute suivante avec deux verres et un flacon d’eau-de-vie de grain. Il versa le liquide ambré.
Ugo sortit de sa poche un paquet de « Craven A » acheté à l’aéroport. Il offrit une cigarette à son hôte. Le tabac anglais lui amena une réflexion fort à propos :
— Vous voyez que je joue sérieusement mon rôle.
Il précisa :
— Officiellement je suis un respectable sujet de Sa Majesté la Reine Elizabeth II. Je suis l’envoyé d’un laboratoire chargé de convaincre les services sanitaires libanais d’employer des produits pharmaceutiques révolutionnaires. Le Vieux ne fait pas les choses à moitié. J’admets avec lui que ma nationalité française était un handicap. L’adversaire, quand il travaille sérieusement – ce qui arrive très souvent – possède toujours un secteur spécialisé dans la surveillance du trafic des aérodromes et des ports. Dans le cas qui nous occupe, l’arrivée d’un Anglais peut très bien ne pas retenir l’attention, ou pour le moins brouiller les pistes pendant un laps de temps non négligeable.
— A rusé, rusé et demi, confirma son collègue. Le chef est un fin, mais les gens d’en face sont coriaces. Je n’ai jusqu’à présent pas un seul atout dans mes cartes.
— En unissant nos efforts, peut-être que… , soupira Ugo.
— Oui ! Attendez !
— Tout n’est pas perdu, fit remarquer Ugo en se levant pour le suivre. Le satellite a été envoyé le 4 à Colomb-Béchar. L’ensemble sera mis en place vers le 15, et comme il faut neuf jours pour monter la fusée sur sa rampe et procéder aux ultimes vérifications, le tir ne s’effectuera en principe qu’à partir du 22 au 24 de ce mois. Nous ne sommes pas encore pris à la gorge.
Lanson acquiesça d’un hochement de tête en passant devant lui.
Il précéda Ugo dans le bureau. Il fit glisser la porte à coulisse d’une armoire et de dessous une pile d’affiches dégagea une pochette qu’il posa sur sa table de travail. Il tendit plusieurs fiches à Ugo en expliquant de quoi il s’agissait.
— Je me suis constitué un fichier sur les employés de la station.
— Ah ! Très intéressant !
— J’ai essayé de réunir un maximum de renseignements et j’y ai consigné mes propres observations.
Ugo parcourut rapidement le curriculum vitae de chacune des personnes et invita son collaborateur à laisser ses travaux à sa disposition afin de les compulser sérieusement. Il les mit dans une de ses poches.
— Depuis combien de temps avez-vous connaissance des fuites, interrogea-t-il en allumant une deuxième cigarette.
— Deux semaines. J’en ai aussitôt cherché l’origine au sein de l’équipe. J’ai dressé l’emploi du temps des principaux suspects selon moi, et à plusieurs reprises je les ai filés au cours de leurs déplacements dans la région. Aucun n’a jamais eu un comportement ou des fréquentations qui puissent m’intriguer.
— Le personnel fait l’objet d’une surveillance discrète, ce qui diminue les possibilités d’espionnage à l’intérieur de la station. Mais un gars qui en a l’habitude sait à quel moment opérer en évitant de s’exposer trop ouvertement et se voir confondu.
— D’accord avec vous, admit Lanson. Sur ce point mon enquête demeure incomplète. Je ne pouvais évidemment pas établir simultanément un dossier sur tous ces individus et donc j’ai dû relâcher provisoirement mon intérêt pour quelques-uns. Et tout ça en me méfiant, naturellement, car j’aurais éveillé les soupçons.
— Nous manquons d’une base solide, que nous le voulions ou non. Notre unique repère est la station. Nous approfondirons donc dans cette voie. Nous poursuivrons la tâche que vous avez commencée en accumulant les informations.
— Je pense que c’est la meilleure solution. En possédant un champ d’action suffisamment large, l’ennemi juge inutile de se manifester et se cantonne dans une défensive prudente. S’il se sent acculé, il sortira de sa réserve.
— Evidemment. En supposant que la direction choisie soit la bonne. Sinon ! Espérons que nous glanerons quelques indices !
— Je n’abandonne pas ma première idée que l’agent ennemi touche de près à cette installation française.
Ugo réfléchissait. Tout en raisonnant mentalement il suivait du regard les volutes de fumée qui s’échappaient du bout brûlant de sa cigarette et montaient vers le plafond où elles s’abîmaient en filets bizarrement désarticulés.
La mission s’annonçait sous des augures défavorables. La lutte contre un service de renseignements étranger et son élimination impliquaient qu’on l’identifiât en premier lieu. Le budget investi par la France dans la conquête de l’espace semblait actuellement d’un rapport bien compromis. Le temps pressait. L’ennemi s’appropriait à sa guise les travaux secrets français et s’en assurait les résultats à prix défiant toute concurrence. On ignorait ses intentions. C’était se laisser ronger, tout comme la gangrène pourrit les tissus de l’organisme. Un traitement antiseptique adéquat s’imposait. L’amputation immédiate sauverait de la mortification complète. Et pour cela, localiser le microbe !
L’agent secret fut tiré de ses considérations par la voix de son assistant.
— De quelle façon comptez-vous vous débrouiller dans l’immédiat, demanda Lanson.
— Nous coordonnerons nos efforts en demeurant en liaison étroite, répondit Ugo. Mais je veux laisser croire absolument que je suis un représentant anglais et je dois pour ce faire rester au grand jour. Aussi je louerai une chambre dans un hôtel de la ville, n’importe lequel.
— J’allais me proposer pour vous héberger chez moi. C’est faisable ?
— Oui, bien sûr !
— Vous prendrez une chambre dans mon hôtel. Mêlés à la foule, nous serons plus libres de nos mouvements et vous ne serez pas importuné.
— Je vois. Vous voulez dérouter ceux qui éventuellement m’observeraient. Parfait !
— Entre nous nous respecterons une certaine distance, nous éliminerons toute marque de familiarité et nous conviendrons de nous exprimer en anglais lorsque nous serons en présence de gens. Je tiens essentiellement à ce que nous nous conduisions comme deux étrangers qui se sont rencontrés au hasard d’un hôtel. Vous en saisissez la raison ?
— Je crois que… oui !
— L’ennemi connaît peut-être votre existence, cette éventualité a sa place, mais il ignore probablement la mienne et a fortiori le but de ma venue au Liban. Mieux vaut préserver cette avance précieuse.
— Comment communiquerons-nous ? En nous retrouvant dans la chambre de l’un ou de l’autre ?
— Oui. Avec un minimum de précautions.
— Dois-je mettre au courant de votre arrivée un second collaborateur, un de nos compatriotes, docteur ici même à Beyrouth ?
— N’en faites rien pour l’instant. Ultérieurement nous verrons s’il est nécessaire de faire appel à lui.
Lanson regagna le salon et emplit de nouveau les verres. Ugo but une gorgée. Son hôte proposa de partager son repas, il n’avait pas dîné. Ugo accepta volontiers, d’autant plus que la collation qu’il avait prise dans l’avion plusieurs heures auparavant lui laissait le ventre creux.
Ils se mirent d’accord sur un nom d’hôtel.
— Vous possédez une voiture ? s’enquit Ugo.
— Oui. Une Austin 1800.
— Très bien. Nous pourrons gagner nos pénates par nos propres moyens.
Ils mirent fin au repas en trinquant avec un verre de liqueur de production libanaise qui se révéla être un tord-boyau bien qu’Ugo possédât un estomac à toute épreuve.
— Il est inutile de nous revoir avant demain. Cela ne pourrait être qu’une imprudence, ajouta Ugo.
— Maintenant je vais faire mes valises. Quelques slips et un pyjama, plaisanta Lanson.
— Je vais vous laisser à vos préparatifs. Ainsi je serai casé lorsque vous débarquerez et nous ne serons pas obligés de nous montrer ensemble. Auparavant je vais vous demander de me procurer les outils de travail indispensables. Avez-vous un petit arsenal dans lequel je puisse faire mon choix ?
Son collègue répondit d’un signe de tête affirmatif. Il pénétra dans son bureau et s’agenouilla dans un angle de la pièce. Au moyen de la lame d’un canif glissée dans l’interstice qui séparait deux planches reliant le plancher à la base du mur, il fit sauter un crochet invisible. Il dégagea la plinthe rendue mobile et découvrit une cavité au contenu bien rangé.
— Il faut tout prévoir, expliqua l’habitant. Les visites de la police libanaise sont si fréquentes !
Ugo exprima son admiration en sifflotant entre ses dents.
— Allez-y, poursuivit l’autre en sortant les armes de leur cachette.
— Prenez-en un second, conseilla Lanson.
— Pas la peine. Il m’embarrasserait plutôt, rétorqua Ugo.
Il vérifia ensuite le déclic d’un cran d’arrêt et l’estima satisfaisant. Il l’empocha. Enfin il avisa quelques objets anodins mais si utiles : rouleau de sparadrap, ventouse,… .
Jean Lanson s’approvisionna avant de remettre le panneau en place.
— Eh bien bonsoir, dit Ugo. A demain matin au petit déjeuner.
— C’est cela. Bonsoir Monsieur Novan !
Ugo regagna calmement la Ford. Un coup d’œil circulaire avant de s’installer au volant. Non, aucune silhouette suspecte ne tachait la pénombre qui enveloppait le parking.
La voiture s’élança sur les boulevards. Ugo se conforma aux recommandations de son collègue afin de parvenir à l’hôtel retenu pour les deux hommes.
Sa montre-chrono indiquait presque dix heures. La circulation était dense mais fluide et sans à-coups. Ugo se frayait avec calme un chemin à travers la vague des automobilistes. Il jetait de temps en temps un coup d’œil dans le rétroviseur. Pas un fait ne retenait son attention. Pourtant, à plusieurs reprises, il avait examiné avec minutie la file qui le suivait. Zèle superflu !
Ugo atteignit l’hôtel. Il rangea la Ford devant l’entrée. Le planton lui ouvrit la portière et le libéra prestement de ses bagages.
Sa chambre était d’un luxe étudié pour être reposant. Et surtout, de l’avis de l’agent secret, elle comptait un lit moelleux.
Trois minutes plus tard, après avoir verrouillé la porte, Ugo s’enfouit sous les draps dans le plus simple appareil.
**********
Ugo dormit profondément. Il passa la nuit dans un monde peuplé de Vénus toutes aux petits soins auprès de lui.
Il se rappela son rêve en s’éveillant et rit. Ce souvenir le mit de bonne humeur et il se tira de son lit sans trop rechigner.
Après une toilette compète, Ugo enfila des sous-vêtements propres et s’habilla d’un chic complet gris cendre.
Il descendit. Lanson mangeait de bon appétit. Le retardataire s’installa à la table voisine. Ils échangèrent un salut.
— Le numéro de votre chambre ? demanda Ugo tandis qu’il se préparait des tartinettes.
— Sixty-six.
— Je vous y rejoins, continua l’agent secret.
Les deux hommes passèrent la matinée à étudier le fichier emporté par Ugo. L’idée de se familiariser avec les employés de la station n’était pas mauvaise, mais ils n’en tirèrent pas davantage.
Ugo décida qu’il irait voir de plus près la station dans le début de l’après-midi. Lanson l’accompagnerait avec sa propre voiture et le précéderait afin de lui indiquer la route. Ils inspecteraient les environs et établiraient la liste probable des méthodes d’espionnage de l’ennemi. Sur quoi ils bâtiraient, eux, leur plan de contre-attaque.
La décision mise sur pied, ils se séparèrent.
Ugo déjeuna d’un poulet mograbieh, poulet garni de boulettes de pâte, de pois chiches, d’oignons et de condiments. Lanson s’installa pour sa part devant un fattoush composé de rondelles de tomates sucrées sur des toasts avec du persil, du jus de citron, de l’huile d’olive et des condiments.
Le pseudo Ugo Novan déserta le premier l’hôtel. Il était convenu que chacun des deux hommes sortait de la ville par son propre itinéraire : le prétendu Britannique ne se souciait donc pas de son subordonné.
Dehors, une légère brise agitait doucement les palmiers de l’avenue.
Ugo se mit à rouler tranquillement. Une foule bariolée et travestie pour l’Occidental qu’il était se répandait dans les rues avec un ronronnement sourd.
Ugo fut le premier sur les lieux du rendez-vous. Il stoppa la Ford sur le bas-côté bosselé de la route et laissa le moteur tourner au ralenti.
Un paysan couvert de loques informes ratissait un petit champ de cultures maraîchères irrigué. Il s’appuya sur le manche de son outil et détailla longuement l’automobiliste qui s’arrêtait à un endroit où il n’avait aucune raison de le faire. Puis il reprit son travail, sans doute parce qu’il avait pu donner une explication satisfaisante à ce qui l’intriguait. Avec une régularité de métronome, le fellah relevait sa vieille tête rabougrie, comme s’il eût voulu s’assurer des intentions pacifiques de l’étranger. Ugo sourit en comprenant le manège.
Le mugissement croissant d’un moteur se fit entendre. Ugo regarda dans le rétroviseur. C’était l’Austin 1800. Il enclencha la première. Lanson passa à sa hauteur en se signalant d’un coup sec d’avertisseur. Ugo imprima une pression brutale à la pédale d’accélérateur qui jeta en avant la voiture dans un rugissement de bolide, et se mit dans le sillage de la 1800.
Lanson roulait à allure correcte. Ugo adapta sa vitesse à la sienne.
Le temps était doux et la sécheresse assoiffait la campagne libanaise. La berline anglaise soulevait une nuée de poussière jaunâtre qui envahissait la Ford par la vitre baissée et prenait l’agent secret à la gorge. L’irritation fit tousser Ugo. Il remonta la vitre.
Pendant plusieurs kilomètres, les deux voitures roulèrent de conserve.
La fertile plaine littorale vivait son existence secrète de tous les jours. Ugo tuait la monotonie de la conduite en dénombrant les palmiers, les figuiers, les jacarandas et autres arbres plus exotiques encore qui jalonnaient la route.
Depuis plusieurs minutes l’image de la ville de Beyrouth s’était effacée du champ de visibilité du rétroviseur coloré maintenant d’une bande gris sale qui fuyait comme un rouleau de toile se déroule dans une filature de textile.
L’absence de circulation permettait à Ugo de faire du slalom de droite à gauche et de gauche à droite de la route afin d’éviter les nids-de-poule qui n’épargnaient ni les pneus ni les suspensions déjà grinçantes de la Ford. Dans le but de se décontracter, Ugo se laissa aller sur le dossier. Machinalement il porta un regard vers le rétroviseur.
— Eh ! Eh ! ricana-t-il.
Un ricanement qui n’émanait pas d’une personne complètement rassurée.
Ses yeux se rivèrent au rétroviseur. Ses paupières se joignirent presque pour atténuer l’effet aveuglant de la luminosité du soleil. Il eut un mouvement de tête instinctif pour placer l’image de l’objet qui l’intriguait au niveau de la tache jaune de la rétine. Les rayons du soleil le rendaient si éblouissant qu’on le remarquait malgré sa petitesse.
Loin derrière la Ford, une voiture suivait. Son image grossissait imperceptiblement. Et Ugo la surveillait.
La longue pratique d’une profession finit par donner à l’homme des habitudes mauvaises qui tournent parfois à l’obsession. Souvent le gendarme ne croit voir que des voleurs. L’agent secret suspecte, entre autres, tout ce qui le suit.
En la circonstance, Ugo n’échappait pas à ce travers. Son attention était retenue de plus en plus fréquemment par les agissements de la voiture suiveuse et pendant une durée sans cesse prolongée.
Lanson le précédait toujours d’une cinquantaine de mètres et progressait à allure égale. Avait-il aperçu la voiture ? La chose paraissait bien improbable, sinon il se serait manifesté. Ou bien ne se formalisait-il pas pour autant.
Ugo décida de s’informer sur les intentions du troisième larron, soucieux de ne pas agir inutilement. Ugo ralentit de façon sensible. Le pistard, roulant plus vite que lui, devait normalement remonter à sa hauteur et le doubler. La conséquence de ce ralentissement brutal fut le rapprochement rapide de la troisième voiture. Sauf confusion de marque, Ugo identifia une Chrysler. Puis tout aussi subitement, celle-ci se laissa distancer.
Ugo se résolut à une nouvelle tentative. Il leva encore le pied de l’accélérateur. Peine inutile ! La Chrysler maintenait désormais prudemment son éloignement.
Devant, Lanson avait remarqué la manœuvre de ralentissement et diminuait à son tour la vitesse, laissant Ugo revenir sur lui.
Pour Ugo, cela ne faisait plus de doute, ils étaient suivis. Donc, premier point, avertir Lanson ; deuxième point : abandonner la direction de la station. Mieux valait ne pas renseigner l’adversaire sur ses propres volontés.
La Ford reprit rapidement de la vitesse.
A la vue du clignotant gauche de l’Austin qui s’allumait, Ugo comprit que Lanson avait saisi la situation et adoptait les mêmes résolutions. Il prenait la route de la côte : vers Djounié. Ugo vira à sa suite sur les chapeaux de roues.
La Ford parcourut une centaine de mètres à tombeau ouvert dans le sillage de l’Austin 1800. Lanson cherchait visiblement à fausser compagnie à l’intrus. Ugo ne voyait pas d’objection à cette solution. Mais déjà la Chrysler négociait le virage dans un bond de fauve. Un nuage se lançait à la poursuite des trois voitures. La poussière jaune jaillissait des flancs de l’Austin 1800, cinglait le pare-brise de la Ford qui lui donnait une nouvelle force et atteignait une agitation extrême au passage de la Chrysler.
Plusieurs kilomètres furent avalés à un train d’enfer. Ugo, en bon chauffeur, sentit que sa voiture ne soutiendrait pas pendant de longues minutes un tel rythme. Elle subissait les cahots du chemin avec des craquements sinistres. Elle n’avait plus les reprises nerveuses de l’Austin et Ugo avait la plus grande peine du monde à recoller.
Et cette fichue Chrysler qui le talonnait. La distance qui l’en séparait n’atteignait plus quarante mètres.
Ugo s’écrasa la tête sur le volant. La vitre arrière s’était étoilée. Le pare-brise ne fut plus qu’une vue de l’esprit et poudra le visage et la chevelure du Français de ses débris a priori inoffensifs. Un ouragan s’engouffrait à l’intérieur de la Ford. Ugo serra les dents. Une seconde balle soupira à ses oreilles, désolée de l’avoir raté d’aussi peu.
Ugo plongea la main dans la poche de son veston et extirpa son 22 Long-rifle qu’il posa près de lui, prêt à servir. Une troisième balle troua le dossier de la banquette inoccupée.
Il fallait agir. Et rapidement ! Ugo n’avait nullement envie de se retrouver sur le marbre froid d’une morgue. Il haïssait les médecins légistes qui farfouillaient dans le ventre pour y trouver des pruneaux !
Mais quoi faire ? Riposter ? Avec l’adversaire dans le dos et une pareille guimbarde qui se disjoignait et qu’il fallait diriger. Et ces grêles qui frappaient la voiture, bizarrement, horizontalement.
La Ford se mit à tanguer pareille à un rafiot pris dans la tempête. L’escogriffe s’attaquait maintenant aux pneus. Ugo se tassa davantage sur son siège, la tête suffisamment haute pour voir la voiture. Il se cramponnait pour ne pas aller s’écraser au fond du ravin qui ouvrait sa gueule à gauche ou s’emboutir dans la paroi pierreuse qui limitait la droite. Les balles miaulaient toujours.
La Ford ballotait sous les coups de volant et les freinages brutaux. Brusquement elle se jeta en travers de la route, se mit en équilibre sur ses roues gauches, se rétablit par la grâce de la Providence et se rua dans un tas de pierrailles amassées sur le bas-côté droit du chemin. Ugo fut durement secoué. Un coup de levier de vitesses dans l’estomac lui paralysa le souffle. Le fracas des tôles tordues lui fit reprendre haleine tandis que le capot arraché voltigeait au milieu des débris de verre et d’enjoliveur.
Ugo s’allongea sur la banquette, récupéra son revolver gisant sur le plancher puis ouvrit la portière droite et se laissa glisser dehors, roulé en boule. La Chrysler venait de le dépasser sur la gauche. Il rampa prestement sous la Ford.
Dans l’agitation des minutes précédentes, Ugo avait oublié la présence de son associé. Il aperçut l’Austin 1800 arrêtée en travers de la route, barrant le passage. Ugo crut un instant à l’accident, mais Lanson était accroupi devant sa voiture et déchargeait son arme sur la Chrysler qui s’approchait. Son chauffeur stoppa dans un crissement de pneus atroce.
Ugo le vit se lever et brandir une mitraillette. Il ajusta et tira. L’énergumène parut touché. Il pivota vers la Ford et commença à vider farouchement son chargeur dans sa direction. Son tir manquait de précision. Ugo se retrancha. Pendant des secondes qui semblèrent des siècles, la campagne ne fut remplie que du staccato de la mitraillette à débit ultra-rapide munie d’un silencieux qui troublait l’air de ses éternuements. Les balles dépiautèrent le coffre arrière et découpèrent les portières jusqu’à l’aile avant.
Ugo se terrait, aplati sur l’asphalte brûlant. Une balle, une seule, et son compte pouvait être réglé !
Le lascar continuait à tirer. Les projectiles balayèrent encore une fois la Ford. Les vitres descendues éclatèrent à l’intérieur des portières, un cataphote fut pulvérisé.
Le silence s’imposa tout aussi soudainement que la fusillade avait éclaté. Ugo risqua une œillade : Lanson venait de tirer et courait à demi-accroupi vers la Chrysler, revolver braqué. Ugo se dégagea de sa place et s’élança à son tour. Sans doute l’adversaire avait-il son compte pour avoir cessé si vite sa résistance de chien enragé.
— Méfiez-vous ! cria quand même Ugo d’une voix blanche.
— Inutile, répliqua Lanson qui examinait les lieux par la vitre émiettée. Il est mort.
Lanson ouvrit la portière. Le cadavre gisait en position ventrale, la tête enfoncée dans un coussin. Le sang dégoulinait du trou visqueux qui s’ouvrait dans la nuque et maculait le costume gris cendré du défunt. La mitraillette se taisait, étouffée sous l’amas de viande. Une balle avait troué la veste de part en part à hauteur de l’épaule et entamé la chair au passage.
Ugo saisit le bras pendant et le releva en lui imprimant une torsion. Il tira dessus pour placer le corps dans une position de côté et dégagea l’arme.
— Vous l’avez échappé belle, dit Lanson. Il n’avait pas l’air de vouloir s’en laisser conter.
— Je suis tout étonné d’être bien vivant. La bagnole en a encaissé suffisamment pour moi.
Ugo se mit à fouiller le macchabée.
— Je n’avais pas remarqué qu’on nous suivait, continua Lanson. Quand je m’en suis rendu compte, j’ai immédiatement changé de cap.
Ugo retournait les poches. Rien ! Pas un confetti ! Pas un mégot puant le tabac froid. Il ouvrit la boîte à gants. Quelques clefs mal rangées trônaient sur une lampe de poche. Mais d’objet qui puisse être un indice ? Point.
Ugo tourna la tête dodelinante en évitant de tremper la main dans le sang qui ruisselait comme l’eau de pluie au sortir d’une gouttière.
— Vous le connaissez, demanda Ugo à son associé.
— Non, je peux vous dire que ce n’est pas un employé de la station, c’est tout ce que je peux affirmer.
— Je sais.
La peau de l’homme, un Arabe sûrement, brûlée par le soleil, se colorait de plaques rouges séchées. Les cheveux ondulés se rassemblaient en paquets de crins huileux. Ugo lâcha le bras. La chair flasque s’agitait un instant puis demeura inerte.
— On file ? questionna Lanson.
— Oui. Nous ne pouvons plus espérer tirer quelque chose de ce cadavre compromettant et de son cercueil roulant.
— Dépêchons-nous.
— Faisons d’abord disparaître ce tacot.
Ugo contourna la Chrysler par l’avant, ouvrit la portière et braqua les roues vers le ravin en manœuvrant le volant des deux mains. Lanson prit appui de l’épaule sur la portière droite. Aidés par le chemin qui descendait en pente douce, les deux hommes n’eurent pas grand mal à donner l’élan suffisant à la grosse voiture américaine qui se ratatina à la taille d’un modeste modèle européen au fond du précipice.
— La mienne maintenant, dit Ugo. Impensable de rentrer à Beyrouth avec cette passoire.
Lanson balança le capot tandis que Valence s’installait au volant et accomplissait une marche arrière délicate vers le ravin. Là il coupa le contact, empocha les papiers et descendit. Ils s’agrippèrent au reste du pare-chocs avant et envoyèrent la Ford six mètres plus bas avec un ho ! hisse ! rageur. Elle accomplit un tonneau et s’immobilisa dans un roulement de tonnerre.
— A moins d’y regarder de plus près, les passants ne remarqueraient pas ces deux amas de ferrailles entrelacées, constata Lanson.
— Je préfère, assura Ugo.
Son compagnon fit le tour de l’Austin 1800 en inspectant la carrosserie.
— Ca va, elle n’a pas été touchée, conclut-il. L’agresseur n’a pas mitraillé dans ma direction. Aussitôt arrêté, il s’est retourné contre vous, il vous en voulait.
— J’occupais la position forte ainsi derrière lui. Il tenait à m’éliminer avant de s’en prendre à vous.
— Allez, en route.
Un demi-tour en marche arrière. Première. Et la voiture reprit sans précipitation le chemin qu’elle venait d’emprunter.
— Il était temps ! Vous voyez ce camion qui va nous croiser, fit remarquer Lanson.
Puis, après une pause :
— Que faisons-nous, poursuivit-il, changeant de conversation.
Ugo lui tendit une cigarette, offrit du feu, puis promena la flamme de son briquet au bout de la sienne avant de répondre en exhalant la fumée :
— Nous reprenons notre programme là où nous l’avons laissé.
— Nous poussons jusqu’à la station ?
— Combien de temps nous faut-il ?
— D’ici ! Un quart d’heure.
— Allons-y.
Ugo resta silencieux pendant le trajet. Il eut la chair de poule à l’idée qu’il aurait pu être en ce moment refroidissant au fond du ravin, la tête hachée. Il pourrait faire brûler un cierge à son saint protecteur dans la première chapelle venue. Il remuait dans son esprit le détail du combat. Le sang-froid et la ténacité de l’Arabe le stupéfiaient. Un style de professionnel. Il se vota mentalement un blâme de n’avoir pas pensé à l’éventualité d’une telle puissance de feu. Une erreur à ne pas répéter trop fréquemment.
Son compagnon l’enleva à ses reproches.
— Nous arrivons, dit-il.
Il coupa le contact et stoppa la berline sur le bord du chemin.
Il s’expliqua :
— Emportez les jumelles. Nous allons escalader ce raidillon. De là-haut, nous apercevrons la station à un kilomètre et demi à peu près à vol d’oiseau, et nous avons une vue des alentours sur cinq à six kilomètres.
L’agent secret et son adjoint gravirent la butte en prenant leur élan d’arbre en arbre, descellant des galets qui roulaient sous leurs pieds.
— Là-bas, indiqua Lanson en tendant le bras alors qu’ils atteignaient le sommet.
Ugo ajusta ses jumelles et examina avec minutie le bâtiment circulaire d’un blanc immaculé qui s’élevait au milieu des orangeraies et des oliveraies. Le toit formait une demi-sphère cirée par le soleil. Ugo promena son regard sur la campagne, prenant des clichés qu’il rangeait dans un coin de sa tête.
— La station est perdue dans la nature, constata-t-il.
— Oui, ce qui peut en un sens avantager un espion, mais n’oublions pas qu’elle est constamment occupée.
— A part le plaisir que peut procurer la contemplation d’un site aussi magnifique, je crois que notre déplacement est une pure perte de temps. Je ne vois pas comment attaquer l’ennemi directement à partir de la station.
— Mais c’est absolument impossible.
— C’est vrai, je me range à votre avis.
Ugo jeta un coup d’œil à sa montre-chrono.
— Quatre heures ! Rentrons. Pas la peine de moisir dans le coin.
Ils dévalèrent la pente d’un pas rapide.
De retour à l’hôtel, Ugo s’attarda intentionnellement au bar afin de rester apparemment étranger à Lanson aux yeux du personnel et des clients. Puis il rejoignit son second dans sa chambre. Il attendit discrètement dissimulé que le groom eût posé la bouteille de whisky commandée par Lanson et eût tourné les talons. Il se laissa aller dans un fauteuil et emplit les verres.
— Trinquons ! dit-il, cela nous donnera un coup de fouet pour notre plus grand bien.
— Un instant, si vous le permettez. J’ai pris de la poussière dans la figure et des grains de sable me grincent entre les dents. Je vais les brosser.
La minute suivante Lanson réapparut. Ils choquèrent les verres.
— Qu’en pensez-vous ? demanda Ugo après sa première gorgée.
— De quoi ?
— De notre journée.
— A la fois pleine d’enseignements et de points d’interrogation. Elle vous a appris que nous étions éventés, moi qui me pensais ignoré de ces gens. Et vous faites désormais partie de la ronde.
— Vous oui, moi pas forcément, contesta Ugo. Notre agresseur n’a très bien pu s’apercevoir qu’au moment de mettre à exécution l’ordre reçu, celui de vous éliminer, que nous étions deux. N’étant plus de ce monde, il n’ira pas raconter à ses comparses ce qu’il a vu. Il reste donc un doute. Peut-être ne suis-je donc pas encore connu d’eux. Un point est acquis cependant : ils connaissent votre retraite, cet hôtel.
— Vous avez raison. Nous devons être de plus en plus distants.
Son verre terminé, Ugo s’en versa un second. Puis il alluma une cigarette.
— Nous n’avons pas totalement raté notre journée. Nous ne tenons pas nos espions mais nous savons qu’au moins l’un d’entre nous était surveillé. Maintenant prenons un peu de repos. Nous nous retrouverons ici ce soir après le repas. Si le sommeil veut bien nous porter conseil !
Ils se saluèrent d’un hochement de tête et Ugo s’en fut vers sa chambre.
Date de création : 17/04/2009 18:56
 
 
| REALITE A VIVRE ...
Une fessée d'amour pour Tequila Extrait n° 1 ... Et alors il me regarde. Moi aussi. Un chat, quand ça ne connaît pas, c’est méfiant ! Ici, tout est différent. Les cercles de mon engin sont de plus en plus amples. Le chat me suit des yeux. Le moteur poussé à fond fait un boucan d’enfer, l’animal ne manifeste aucune peur. Je passe près de lui, nous échangeons un coup d’œil complice, et alors j’entreprends un ultime parcours sur les bordures du jardin potager. Doucement le chat se lève, fait le gros dos, emprunte dans l’autre sens le trajet de son arrivée et s’éclipse tandis que je baisse le régime du moteur. J’avais envie de l’approcher, c’est raté. Je ne sais même pas par où il est passé. ...
...
Extrait n° 2
La touffe de poils n’a pas bougé pendant que je l’observais. J’ai alors envie de partager mes interrogations à son sujet et je vais chercher mon épouse. — Regarde ! Il y a un mois, quand je retournais le jardin… tu t’en souviens, je te l’ai raconté ! J’ai l’impression de voir le chat qui m’observait. Il a doucement levé la tête. Est-ce notre présence qui l’a alerté ? Nous nous tenons tranquilles, à plusieurs mètres de lui. Il n’a pas bougé de place. Il nous regarde, nous juge, nous jauge. Il redresse le corps et, continuant de nous fixer, il nous adresse un miaulement. Je continue : — C’est le chat qui s’est assis un moment sur une planche du jardin, près de moi, pendant que je travaillais le terrain. — Il a l’air tout jeune. — Il semble vouloir nous dire quelque chose. J’enlève sans précipitation la chaîne qui interdit l’accès au terrain après avoir déverrouillé le cadenas qui la maintient, et nous amorçons notre approche. La petite bête nous observe et nous manifeste de la méfiance. Elle se tient sur ses gardes, nous nous arrêtons. Elle va fuir si nous poursuivons vers elle.
... Extrait n° 3
Pas le moins du monde dépaysée, la minette. De toute évidence, elle vivait près de gens, avec des gens. Ce n’est pas une chatte qui court les caves, les haies, les gouttières ou les hangars agricoles pour manger et dormir. Bien sûr ! C’est gagné ! La chanson devient de plus en plus répétitive : « Mardi matin, lala , la chatte et… sont toujours chez moi pour… »… Et elle est profondément endormie, recroquevillée, dans son baldaquin de fortune. Et pour quelques heures encore ! Elle s’incruste et au fil de la journée s’insinue l’idée que nous en avons la charge, comme si elle devenait petit à petit notre propriété et que nous en aurions la responsabilité. Non, cet animal, nous voudrions bien qu’il retrouve ses maîtres ! Pour aujourd’hui la chatte ne se laisse pas encore trop approcher, encore moins toucher, et nous lui accordons le temps de s’habituer. Cependant, dès qu’elle est éveillée, elle se lèche, elle se gratte, s’égratigne, se met à vif la tête, la nuque, le cou, le dos, la queue. Son pelage est mitraillé de trous. Ce mercredi nous laisse désemparés. Il n’est pas possible d’apporter le moindre soin à notre malade. C’est à peine si au cours de la journée nous pourrons la frôler, maîtrisant nos gestes qu’elle ne doit pas interpréter comme des menaces. A suivre. ... Extrait n° 4
Courant maladroitement en
« Bonjour, c’est moi, Minette. Me revoilà. Ah ben oui, A suivre
.... Extrait n° 5 — Le pharmacien a oublié le fusil à lunettes et la seringue hypodermique. Ce n’est que de cette façon que nous parviendrons à soigner « notre félin ». Je juge sage d’attendre le lendemain pour le lait. Une noisette de crème sur la pointe de l’index et du majeur gantés. L’opération est réalisée en cachette. Pendant que la chatte mange, j’écrase avec toute la délicatesse possible l’onctueuse boule blanche sur la plaie la plus importante du dos. Elle s’est déjà esquivée. La notice pharmaceutique conseille, pour que le soin apporté ait davantage d’efficacité, de couper ou de raser les poils autour des lésions. Impensable dans le cas présent. Les applications ne donnent donc aucun résultat notable et la dermatose s’étend sur le dos mité et l’abdomen pelé. Nous avons au niveau du contact avec notre protégée obtenu un effet inverse : Minou ne veut plus manger tant que nous sommes présents et trop proches d’elle. Nous représentons maintenant une menace. Tentons le collier antipuces. L’acheter, c’est vite fait. Il reste à l’installer. Minette ne collabore pas et refuse toute approche, elle a compris que notre comportement cache quelque chose. C’est par surprise que je lui passe le collier sous le cou, saisis la pointe à l’opposé et la glisse dans le premier côté de la boucle. La bête ressent ce carcan comme un corps étranger dont elle veut se débarrasser. Elle essaie de l'ôter, glisse une patte entre l’intrus et son cou et tire avec une grande violence, mais rien n’y fait. A suivre
 
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